Noir américain
Psychiatre de formation, Armand Cabasson est un styliste de la nouvelle. Il l'a déjà prouvé à plusieurs reprises en livrant de petites merveilles d'histoires dans des recueils comme Le Poisson Bleu Nuit, Loin à l'intérieur ou Par l'épée et le sabre. Des nouvelles d'inspiration plutôt fantastique comme le présent recueil. Mais Armand Cabasson sait aussi écrire de la Fantasy. Il y a quelques mois on avait été agréablement surpris par La Dame des MacEnnen, une grosse novella mélangeant avec succès l'Histoire et la fantasy. A noter enfin que c'est un passionné de la période napoléonienne et qu'il a écrit plusieurs polars se déroulant à cette époque comme Les Proies de l'officier ou La Mémoire des flammes.
Violences américaines
Noir Américain est donc un recueil de nouvelles sur la thématique de l'Amérique. On y retrouve deux des textes parus dans le livre publié par l'Oxymore en 2005 dont le récit éponyme, Loin à l'intérieur, sans doute l'un des tout meilleurs textes jamais écrits par Armand Cabasson. Une vraie plongée dans la folie avec un tueur qui se retrouve face à une psychiatre bien particulière. Une véritable perle. L'autre réédition, Jenny et Grapp le Monstre est plus liée à l'enfance avec une petite fille qui se révolte contre son beau-père. Un texte qui trouve un écho dans l'histoire du petit garçon qui est entendu par les enquêteurs après la mort de sa mère dans Le Grand Méchant Loup. Là encore, le récit est violent, physiquement et psychologiquement. C'est d'ailleurs le fil rouge de ce recueil dans une Amérique qui peu à peu se perd face à elle-même. L'exutoire physique est par exemple le remède que trouve un employé à la vie quelconque face à la sensation de chute qui lui noue les tripes tous les jours (La chute du monde Moderne). Il va se comporter en héros pendant un braquage, comblant pour un court instant la vacuité de son existence. Faire boire le désert nous montre la violence psychologique de prisonniers que l'on force à faire de grands travaux sur la route. La liberté est à un jet de pierre si seulement les chaînes ne les rattachaient pas à leurs geôliers. Quant à l'Exquise beauté des cafards, elle évoque la vie d'un homme qui vit en reclus à cause de son visage totalement ravagé. La violence est là dans le regard des autres.
Un long frisson glacé.
La lecture de ce court recueil s'apparente à un long frisson glacé. La désespérance des êtres, la violence des États Unis où les règles sociales ont volé en éclat, les drames qui s'enchaînent... Armand Cabasson nous offre dix éclats d'une Amérique à la dérive. Cela fait souvent froid dans le dos. On est fasciné par cette débâcle, ces personnages qui ont tout perdu ou qui vont tout perdre comme autant d'existences qui basculent vers l'irrémédiable. Il y a quand même quelques lueurs d'espoirs comme la transmission d'une histoire familiale liée à la guerre de sécession dans Le Sabre de Shiloh. Il y a surtout le talent de noveliste d'un Cabasson au meilleur de sa forme. Ce recueil confirme une nouvelle fois toutes ses qualités et on ne peut que le recommander chaudement. D'autant plus que le contenant est joli et agréable à lire. Encore une belle réussite de l'auteur qui, on l'espère, en annonce encore beaucoup d'autres.