Jeunesse
Photo de Anthony Browne

Anthony Browne

Isabel Finkenstaedt ( Auteur), Anthony Browne (Illustrateur interne)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 31/01/09  -  Jeunesse
ISBN : 9782877676243
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Christian   - le 31/10/2017

Anthony Browne

Pour leur vingtième anniversaire, les éditions Kaléidoscope rendent un vibrant hommage à Anthony Browne, en publiant un livret illustré de cinquante pages sur le dessinateur anglais préféré des gorilles et des chimpanzés (comme la couverture l’indique, ils n’arrêtent pas de le peindre). C’est aujourd’hui l’un des auteurs-illustrateurs jeunesse les plus appréciés des enfants à l’instar des Claude Ponti, Nadja, Grégoire Solotareff, Tomi Ungerer ou Kitty Crowther.

Alors qu’elle travaillait pour Flammarion Jeunesse, Isabel Finkenstaedt a rencontré Anthony Browne en 1983 à la Foire du livre pour enfants de Bologne. Lorsqu’elle créa la maison d’édition Kaléidoscope, l’illustrateur anglais en conçut le logo, puis en devint l’un des auteurs phares.

Depuis, Anthony Browne a fait son chemin, avec l’aide de son célèbre Marcel, ce petit chimpanzé perdu parmi les gros gorilles, avec King Kong  ou avec sa famille (Mon papa, Ma maman et Mon frère). Il a obtenu le Hans Christian Andersen Award, en septembre 2000, pour l’ensemble de son œuvre.

D’Anthony à Marcel

Originaire de Sheffield, Anthony Browne a suivi une école d’art au nord de l’Angleterre dans les années 60. Refusant le graphisme publicitaire, il fait ses vraies classes dans un hôpital de Manchester où il faisait des aquarelles des opérations et des autopsies en tant qu’artiste médical assistant. Il s’est orienté vers le dessin pour enfants grâce aux cartes de vœux qui ont été sa principale source de revenus pendants des années. Il ne lésinait pas sur les dessins d’animaux et c’est là qu’il a dessiné son premier gorille.

Après quelques tentatives pleines d’enseignement, Anthony Browne publie son premier album À travers le miroir magique, une série d’images surréalistes, non publié en France. Vinrent alors en 1979 les albums Ourson et les chasseurs et Ourson et la ville, avec l’ours blanc au nœud papillon muni d’un crayon magique.

Anthony Browne a également illustré des histoires dont il n’était pas l’auteur tels que Hansel et Gretel (1981), Alice au pays des merveilles (1988) ou King Kong (1994). Mais c’est avec Anna et le gorille que l’auteur simiophile trouve véritablement son style : une petite fille voudrait que son père l’emmène au zoo, mais il n’a jamais le temps ; elle découvre au pied de son lit un ridicule gorille en peluche… Après ce premier album, il lui fut même demandé de présenter une émission sur les livres pour enfants dans une cage de vrais gorilles. Il s’en est sorti avec une grosse morsure au mollet. À partir de là commence une grande aventure graphique avec les gorilles. Anthony Browne associe ses gorilles imposants, mais sensibles, à l’image de son père, boxeur, militaire, batteur de jazz, poète et professeur de dessin.

C’est ainsi que naît Marcel, image du jeune Anthony, qui se sent toujours petit face à son père et son frère aîné. Comme Marcel, les enfants se font bousculer par les adultes, par leurs grands frères ou tout simplement les grands. Marcel lutte pour ne plus être une mauviette (Marcel la mauviette, 1984), Marcel est aussi un champion dans son genre (Marcel le champion, 1985), Marcel se réconcilie avec un grand (Marcel et Hugo, 1991), il devient un champion de foot (Marcel le magicien, 1995), il rêve de peinture (Marcel le rêveur, 1997 ou Les tableaux de Marcel, 2000). C’est incontestablement ce petit singe fragile et sympathique qui lui vaut le plus de courriers de la part de ses jeunes lecteurs. Le Billy de Billy s’bile (2006) est un dérivé de Marcel.

Dans Le Tunnel (1989) ou Dans la forêt profonde (2004), Anthony Browne aborde, toujours sur un mode onirique et en référence à d’autres contes, les relations entre frère et sœur ou le refuge dans l’imaginaire lors d’une dispute entre parents. Dans Promenade au parc (1977), Zoo (1992), Le Jeu des formes (2003), il traite de la famille et de la communication familiale. Avec les trois albums plus personnels (Mon papa, Ma maman, Mon frère), il transforme ses souvenirs en toute dérision.

Le dernier album d’Anthony Browne ? Petite beauté (2008). Une histoire surréaliste. Une histoire un peu vraie. Une histoire de gorille naturellement.

Un monde où il y aurait de la place pour tous les singes

Les dessins d’Anthony Browne sont hauts en couleur, léchés jusqu’au moindre détail, pleins de clin d’œil à la peinture contemporaine. Et même si les corps sont un peu figés, les expressions un peu rentrées (humilité des corps, timidité des visages), chaque illustration est un tableau en soi. Anthony Browne n’est pas un illustrateur, c’est un peintre qui se réfugie dans le monde de l’enfance. Chaque illustration est une porte sur un univers personnel et collectif (allusions aux contes, allusions à la peinture, allusions à son œuvre elle-même). C’est sans doute le secret du plaisir qu’ont les enfants à contempler ses images. Plus que tout adulte, ils parviennent à en saisir spontanément le moindre détail et les moindres sous-entendus (le détail comique, le détail angoissant). Les personnages eux-mêmes, dans leur immobilité, paraissent profonds, denses et plein de perceptibles secrets. Encore faut-il être enfant pour ressentir cette richesse psychologique, dissimulée sous la puissance apparente des corps (le masque du gorille).

Ce talent graphique n’est pas débridé. Il est au service d’un discours. Les livres d’Anthony Browne parlent de démocratie et de politique. Marcel est petit, mais ne vaut-il pas autant que tous ces gorilles qui occupent tout l’espace graphique ? Les livres d’Anthony Browne parlent de la solitude, de l’exclusion, de l’indifférence. Marcel est seul et il est si difficile de se faire des amis, dans une société dominée par l’apparence et les relations superficielles. Les livres d’Anthony Browne parlent de la confiance en soi et de la peur. Marcel dit pardon aux réverbères. Il doit faire des efforts pour reconquérir l’intérêt des autres et son estime de soi.

Malgré la distance animale et les effets comiques, ses livres sont plutôt sérieux. Au commencement de chaque album, s’exprime toujours une profonde tristesse (solitude, parent absent, parents séparés), en grande partie personnelle et nostalgique. Cette tristesse se résout par l’effort, par la magie d’une rencontre, par le changement de regard et les conclusions se veulent toujours optimistes. Dans ce monde, il y a de la place pour tous les singes, même les plus petits et les plus sensibles.

La biographie d’Anthony Browne en est une parfaite illustration. Avec si peu de confiance en lui, comment un enfant devient artiste et comment il devient célèbre et lu dans le monde entier. Comme il l’a dit lui-même lors de la remise du prix qui couronne sa carrière à Carthagène en Colombie, il est ce « Marcel qui rêvait qu’il avait gagné le prix Andersen ». Car Anthony Browne est tellement resté cet enfant introverti, humble et timide qu’il attribue son trophée à son personnage. Celui qui s’excuse tout le temps.

Et pourtant, ce monde, il l’a transformé avec son crayon et ses pinceaux. Pardon et merci Monsieur Anthony Browne.

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