Coalescence
Né en 1957 à Liverpool, Stephen Baxter est diplômé de mathématiques et d’aéronautique. Après avoir enseigné les maths et la physique, il tente de devenir astronaute, sans succès. Depuis 1995, il est écrivain à temps plein, spécialisé dans la hard SF. Des romans comme Titan ou Voyage témoignent de sa passion pour la conquête spatiale. Dans ses derniers livres, Baxter s’intéresse plus particulièrement à l’évolution de l’espèce humaine. Coalescence s’inscrit dans ce thème, premier tome d’un cycle appelé Les Enfants de la destinée. Deux autres tomes sont déjà sortis en France (Exultant et Transcendance, aux Presses de la Cité), et Baxter a écrit un quatrième livre, Resplendent, non traduit pour le moment.
Une histoire de famille
George Poole, informaticien à Londres, retourne dans sa maison natale à l’occasion de la mort de son père. Il y retrouve un ami assez bizarre qui semble passionné par une curieuse anomalie apparue dans le ciel. Mais George a l’esprit monopolisé par une étrange découverte : il aurait une sœur jumelle que ses parents auraient envoyée, quelques années après sa naissance, dans un mystérieux ordre religieux de Rome. George entreprend de la retrouver et va être confronté à une communauté qui semble s’être adaptée physiquement à un environnement confiné.
Parallèlement, on suit l’histoire de Regina, lointaine ancêtre de George, au temps de la chute de l’empire romain. Fille d’une famille aisée de la Bretagne romaine, Regina subit la déliquescence de l’empire et l’invasion des Pictes et des Saxons. Son seul but : survivre et préserver la famille.
540 pages, 350 de trop…
La première chose qui frappe dans les premiers chapitres de Coalescence, c’est la profusion de détails donnés par l’auteur sur les personnages ou les lieux décrits. Au début on pense qu’il s’agit d’installer une ambiance – par exemple, l’impression d’un temps figé dans la maison vide du père de George. Au bout de cent pages, après avoir subi un documentaire didactique sur la Bretagne romaine, on se prend à espérer que l’intrigue va démarrer. Après tout, les personnages sont assez bien campés. À la moitié du récit, on se demande si on ne va pas finalement laisser tomber, car il ne s’est toujours rien passé – les événements les plus palpitants sont l’entrée des jeunes filles dans la puberté et leurs premiers émois – et qu’on en a marre de s’entendre dire que les maisons romaines sont faites de torchis et de briques rouges, que les palais sont construits sur d’anciens bâtiments et que la vie dans la campagne antique, c’est dur. Il faut attendre les deux tiers du livre pour que l’histoire décolle enfin.
Cette profusion de détails, de descriptions, cette volonté d’exactitude de Baxter est sans doute louable. On sent que l’auteur s’est documenté et qu’il a à cœur d’être au plus proche de la réalité. Mais son écriture précise, factuelle, clinique, manque d’émotion au point de plonger le lecteur dans un profond ennui.
Les personnages n’aident pas non plus à dynamiser le récit : ils semblent tous atteints d’une étrange maladie qui consiste, lors de leurs rencontres, à parler inévitablement de l’histoire des lieux et des bâtiments dans lesquels ils se trouvent… De plus, il faut attendre la moitié du roman pour que Regina – bénéficiant d’une chance plutôt agaçante malgré sa situation précaire qui-la-pousse-à-devenir-forte – commence à acquérir une certaine profondeur psychologique.
Une idée séduisante
Heureusement, Coalescence finit beaucoup mieux qu’il n’a commencé, récompensant la ténacité des lecteurs qui n’auront pas été perdus en chemin. Tout d’abord l’intrigue se développe enfin, le rythme s'accélère et les descriptions raccourcissent. Baxter fait aboutir l’idée du roman, très séduisante, d’une société ayant physiquement évolué pour s’adapter à un environnement en vase clos. Entre biologie et sociologie, cette dernière partie justifie l’étiquette SF du livre pour s’envoler, sur la fin, vers une extrapolation de l’évolution humaine, quelques milliers d’années plus tard.
Cependant, on peut parfois émettre quelques légers doutes sur la rigueur de Baxter : au niveau de la cohérence de l’intrigue, lorsque les protagonistes se sortent un peu trop facilement d’une situation compliquée, ou par rapport à cette « société secrète » cachée pendant des siècles, inconnue de tous y compris de certains membres de sa famille (en l’occurrence George) qu’elle est pourtant censée protéger ; au niveau historique, lorsque le parcours de Regina croise, comme par hasard, celui d’un chef de guerre de qui naîtra la légende arthurienne ; ou bien au niveau scientifique, quand Baxter utilise, comme signe de reconnaissance entre membres d’une même famille au fil des siècles, la couleur gris fumée des yeux, phénotype pourtant fragile car associé à un gène récessif – cela se justifie dans certains cas, mais pas dans tous.
Mais ne chipotons pas trop : le dernier tiers du livre est vraiment captivant et on pardonne facilement à Baxter ces petits défauts, tant on est soulagé d’avoir enfin quelque chose à se mettre sous la dent.
La promesse d’un cycle intéressant
Ainsi, malgré un début décourageant, Coalescence se révèle sur la fin et constitue la promesse d’un cycle intéressant, si seulement l’auteur consent à alléger son écriture. En marge de l’intrigue principale, il a semé quelques pistes qui seront approfondies dans les tomes suivants, qui ne sont pas des suites à proprement parler mais explorent les mêmes thèmes. Et s’il pousse ces idées aussi loin qu’il l’a fait avec celle de Coalescence, on peut s’attendre à des romans aussi originaux que captivants.