Martin Winckler, de son vrai nom Marc Zaffran, est un médecin français également écrivain. Côté médecine, il a écrit plusieurs livres sur la contraception ou le droit des patients. Côté fiction, on le connaît notamment pour
La Maladie de Sachs, adapté au cinéma par Michel Deville. En 2008, il sort chez Calmann-Lévy
Un pour deux, premier tome d’une trilogie que l’on pourrait qualifier de polar médical, avec des éléments SF tournant autour de la génétique.
L’un ou l’autre en est la suite et la trilogie sera complétée en 2009 par
Deux pour tous. Winckler est aussi un passionné de séries télévisées et a sorti plusieurs ouvrages sur le sujet.
Cette passion pour les séries se manifeste au début du roman par une introduction visant à expliquer au lecteur qui n’aurait pas lu
Un pour deux le contexte de la trilogie, rendant le roman accessible à tous. Winckler présente son œuvre comme une série télé devant laquelle trois amis se retrouvent pour regarder la deuxième saison. C’est assez malin et bien trouvé, car cela permet de résumer le roman précédent sans que ce soit trop rébarbatif. On trouvera également, tout au long du roman, quelques encarts
off visant à expliquer certains points au lecteur en dehors du cadre de la narration traditionnelle, transformant la lecture en soirée plateau-repas devant la télé. C’est malheureusement, avec l’excellente couverture de Néjib Belhadj Kacem, le seul intérêt de
L’un ou l’autre.
Le retour des jumeaux Twain Après les événements de
Un pour deux, les jumeaux Twain, Renée et René, ont fait un
break au Québec. Ce ne sont pas des jumeaux comme les autres : ils ne possèdent qu’un seul corps, qui se transforme lorsque l’une ou l’autre prend les commandes. Ils sont de retour à Tourmens, ville fictive du centre de la France, dirigée par un maire mégalo et paranoïaque, Francis Esterhazy. Ce dernier, connaissant leur secret et ayant décider de les faire chanter, les engage pour retrouver les mystérieux bienfaiteurs qui réparent les ascenseurs des HLM du quartier nord. Esterhazy souhaite en effet récupérer le terrain pour son grand projet de complexe culturel et fait tout pour que les habitants des HLM quittent les lieux. Les Robin des Bois des ascenseurs sont donc une épine dans son petit pied. Parallèlement, des meurtres ont lieu près de la Tourmente, le fleuve qui parcourt la ville. Notamment, un petit garçon gitan a disparu. Tout ceci pourrait être lié à un étrange trafic d’organes…
Un scénario avorté Tout ceci démarre plutôt bien. Les lecteurs de
Un pour deux retrouvent leurs héros et la mise en situation est efficace, l’auteur nous présentant les personnages et le contexte à travers plusieurs petites scènes qui rythment le début du roman. Malheureusement, ce procédé s’étend tout au long du livre : le scénario ne démarre jamais vraiment, l’enquête proprement dite n’est abordée qu’à partir du tiers du récit mais reste sans consistance jusqu’au dénouement.
Par ailleurs, Winckler nous inflige tout un tas de scènes inutiles, qui vont de la démonstration trop appuyée (des émissions de télé statiques pour nous apprendre des informations, ou des retranscriptions écrites de passages audio – ce qui au demeurant est incohérent avec l’aspect « série télé ») aux dialogues d’une banalité affligeante qui rappellent plus le journal de 13H de TF1 que 24H chrono… L’auteur tire à la ligne et n’hésite pas à utiliser des clichés dignes du cinéma hollywoodien, faisant de son roman un livre
pop-corn qui se lit certes vite et sans prise de tête, mais qui ne laissera au final aucune trace persistante.
Dommage, car à côté de cela, les passages de vulgarisation sur le milieu médical qui émaillent le récit sont très intéressants, clairs et concis. On pense notamment à l’évocation du protocole utilisé pour les essais cliniques, très instructif. L’auteur maîtrise donc parfaitement son sujet mais ne parvient pas à en faire une intrigue de polar convenable.
Des personnages stéréotypés Les défauts du scénario se retrouvent dans les personnages. En premier lieu, Esterhazy, stéréotype extrême du salaud politique, paranoïaque et sans scrupule. On voit très bien de qui s’inspire Winckler, mais c’est tellement gros que cela dessert finalement son propos. Globalement, les personnages de
L’un ou l’autre sont d’un manichéisme consternant : les gentils dégoulinent de bons sentiments, ils sont honnêtes et généreux, intelligents, équilibrés, et sont d’une décontraction toute hollywoodienne ; les méchants sont machiavéliques et vendraient leur mère pour des cacahuètes. Bref, aucune subtilité. De plus, on voit finalement très peu les Twain car l’auteur se disperse sans cesse sur les personnages secondaires. On a donc du mal à s’intéresser à l’enjeu qui les concerne (leur identité, leurs origines).
Sans grand intérêt L’un ou l’autre présente donc très peu d’intérêt romanesque. On s’ennuie beaucoup, on reste de marbre devant les aventures de héros que l’on nous montre à peine. Même la fin, plus dynamique et introduisant enfin de l’action et du suspens, a du mal à nous accrocher, la faute à un
cliffhanger que les fans trouveront insoutenables, mais qui ne donnera pas l’envie aux sceptiques de regarder la troisième saison. Martin Winckler est sans doute un vulgarisateur passionnant, mais un romancier en deçà de nos attentes.