Écrivain prolifique, Thomas Day est l’auteur d’une cinquantaine de nouvelles et de plus de dix romans. Spécialiste de l’hybride, il mélange space opera et fantastique par une écriture très littéraire. La maison aux fenêtres de papier prolonge une série d’œuvre nourrie de culture asiatique , commencée avec La voie du sabre (prix Julia Verlanger 2003) et sa suite L'homme qui voulait tuer l'Empereur en 2003, se déroulant dans un Japon médiéval. Puis c’est en Thaïlande, au Laos et au Cambodge qu’il nous emmena avec La Cité des crânes. Enfin, il a publié à quatre mains avec Ugo Bellagamba L'école des Assassins ayant pour cadre Hong-Kong.
There will be blood
Des îles désertes et tranquilles de l’archipel d’Okinawa aux bas fonds de Tokyo, on découvre avec la novice Sadako l’éventail des rituels et coutumes yakuzas : code d’honneur,viols , idées d’extrême droite, seppuku, tortures, scènes gore à souhait, rien ne nous est épargné. Pour illustrer tout cela, Thomas Day truffe son récit de références cinématographiques. Plages désolées de Sonatine (Kitano) , héroïne ultra puissante façon Black Mamba (Kill Bill), le livre reprend plus largement la violence et la crudité des films cultes de Fukasaku Kinjii et Takashi Miike, dont l’auteur revendique par ailleurs ouvertement l’influence.
À l’inverse, l’utilisation du présent, les longues scènes d’action et le langage plus familier confèrent à l’histoire centrale de La maison aux fenêtres de papier une allure plus cinématographique que littéraire, comme en témoigne la première scène, où le narrateur décrit brièvement et nomme les quatre « mousquetaires » de Saduko, à la manière des films de Mafia qui présentent leur bande à l’aide de l’arrêt sur l’image de chaque membre avec leur surnom en surimpression. . Fidèle à son projet, Day rend effectivement un hommage au cinéma, mais l’écriture est moins originale et brillante que celle du conte en deux parties.
Regards sur l’univers yakuza
Ce parcours , qui prend parfois un tour didactique (on trouve même un petit encart historique) est peut-être l’intérêt le plus fort du livre, car bien qu’étant une fiction, l’ouvrage ne fait que parler de la pègre japonaise contemporaine, la vraie, celle qui explosa à partir de 1945. Habilement, il en restitue la tragique origine en érigeant en « monstre » ses deux principaux chefs, Boss Nagasaki et Boss Hiroshima, qui ne sont autres que l’hyperbole des deux monstres engendrés par les États-Unis, les deux bombes qui précipitèrent le Japon dans la défaite. C’est en effet lors de l’occupation américaine que les Yakuzas vont se multiplier, faire du trafic de drogue avec l’armée, puis profiter du chaos post bombe pour piller, s’accaparer des terres, faire fleurir le marché noir et servir le gouvernement pour lutter contre les mafias extérieures tentant de s'implanter dans l'Archipel, ainsi que contre la grève et la menace communiste voisine.
Par son esthétique hybride et son travail de documentation, ce roman sera très apprécié de tous les amateurs ou autres curieux de découvrir en profondeur l’univers des terribles Yakuzas.