Votre mort nous appartient

Antoine Lencou est un quadragénaire passionné de science-fiction, au point d'en écrire. Plusieurs de ses nouvelles ont été publiées dans différents fanzines et anthologies. Votre mort nous appartient est son premier roman – une novella plus exactement – publié par Griffe d'Encre. Il y aborde le sujet de la mort, comme un écho à son patronyme breton.

Dans le futur, on ne choisit pas l'heure de sa mort...

Roïn Venkoo est un individu atypique : il se rend sur son lieu de travail tous les jours alors qu'il pourrait travailler de chez lui, il n'utilise que très peu les robots domestiques de son appartement et il a peur de la mort alors qu'il est possible de se réincarner lorsque survient le trépas. Tellement peur, d'ailleurs, qu'il désire mourir. Mais voilà, le service des Suicides ne peut satisfaire sa demande que dans six mois. Alors, Roïn se donne la mort illégalement. Ce n'est que le début des embêtements pour lui car l'Administration va le faire revivre et le condamner... à reprendre sa vie d'avant.

Un futur idyllique qui cache une dystopie.

Le futur décrit dans Votre mort nous appartient est celui d'une société qui semble idyllique. L'homme y mène en effet une vie paisible, servi par des robots autonomes et extrêmement intelligents. S'il est demandé à chacun d'être productif – utile d'une façon ou d'une autre –, les hommes et femmes de cette société moderne disposent de moyens idéaux pour ce faire : travail depuis leurs domiciles, assistants mécaniques, outils informatiques de très grande performance, et caetera. Et, détail légèrement important, un citoyen peut vivre plusieurs siècles car il lui est possible d'être réincarné à six reprises avant de connaître une mort définitive.
Mais derrière cette apparence débonnaire, le monde futuriste imaginé par Antoine Lencou dévoile une noirceur certaine. Roïn Venkoo, sa compagne Olcéana Xinava – artiste ratée – et l'entrepreneur Ahtaïn Filiji vont nous la dévoiler à leurs dépens. C'est Roïn, le personnage principal, qui sera le plus mal loti. Angoissé par la possibilité qu'une résurrection ne ramène pas à la vie tout à fait le même individu, il préfère connaître une mort rapide et définitive. Et rapidement. Sauf, que son décès ne sera pas du tout définitif, et sa nouvelle vie peu paisible.

Votre mort nous appartient est un roman paradoxal. L'auteur y décrit une dystopie, univers évidemment assez peu amusant. Son personnage principal est d'ailleurs un homme dépressif et suicidaire.
Pourtant, cette novella est empreinte d'un humour évident. Les robots qui peuplent chaque recoin de l'appartement de Roïn sont des êtres espiègles et chamailleurs. Les rouages de la société ici décrite sont celles d'une bureaucratie extrême, à en devenir autant exaspérants que ridicules et on s'amuse finalement à voir les personnages se démener face à ce monolithe administratif.

Avec Votre mort nous appartient, Antoine Lencou démontre une maîtrise de l'écriture d'histoires en forme courte, réussissant à décrire plus que suffisamment un univers complexe et des personnages détaillés et à raconter une vraie histoire passionnante, en seulement une centaine de pages.
Cette novella mérite vraiment le détour.