fredcombo
- le 31/10/2017
Le Dernier des Mohegans
Lorsque l'on évoque les bandes dessinées ayant pour toile de fond les premiers âges de l'humanité, le nom d'André Chéret vient immédiatement à l'esprit. Il fut en effet, avec Roger Lecureux, le créateur de Rahan, le fils des âges farouches, qui enchanta les jeunes lecteurs de Pif Gadget dans les années soixante-dix, et dont c'est le quarantième anniversaire en 2009. Il est également l'auteur de plusieurs autres albums en rapport avec la préhistoire, Félines et Le Sacre de l'homme : Homo Sapiens invente les civilisations, ainsi que Domino avec les scénaristes Greg et Jean Van Hamme.
Le Dernier des Mohegans est quant à lui scénarisé par PFM, initiales du très sérieux Pierre-François Mourier, romancier et essayiste, mais également ancien membre du Conseil d'État, consul de France à San Francisco et connaisseur des questions amérindiennes aux États-Unis.
Le mystérieux squelette du lac Champlain
En Nouvelle-Angleterre, sur les berges du lac Champlain, des adolescents découvrent un squelette parfaitement conservé. Après investigations scientifiques, on apprend que ces restes, âgés de neuf mille ans, présente d'indubitables caractéristiques caucasiennes. La présence d'autochtones blancs antérieurement au peuplement amérindien est évidemment susceptible d'avoir d'importantes répercussions politiques, en particulier en raison des lois qui régissent les réserves amérindiennes, sur lesquelles prospèrent depuis quelques années un nombre grandissant de casinos (non imposables car considérés comme des établissements publics). La réserve des Mohegans, sur laquelle est bâtie l'un de ces gigantesques complexes de jeux, sera le terrain sur lequel s'opposeront indiens traditionalistes, capitalistes, racistes... La jalousie des white trash, les blancs pauvres, le racisme, la corruption du pouvoir, l'abandon d'une culture séculaire au profit le l'american way of life sont quelques uns des thèmes abordés au cours d'une aventure pleine de rebondissements et ponctuée de retours vers le passé lointain de la tribu Mohegan.
Le sachem aux cheveux de feu
Le principal mérite de cet album est d'attirer l'attention du public européen sur la complexité des relations entre les peuples premiers et les autres américains. Loin des clichés aux relents new age largement répandus de ce côté-ci de l'Atlantique, Le Dernier des Mohegans nous montre une tribu qui s'est adaptée aux règles du monde moderne et en utilise tous les ressorts : de nos jours, le seul scalp ayant quelque valeur est le fameux billet vert... Pourtant, dans bien des cas, la morale est sauve puisque les profits réalisés sont souvent destinés à la communauté et permettent même à certaines tribus de racheter leurs terres ancestrales, revitaliser leurs langues, bâtir des hôpitaux...
Le scenario n'est cependant pas exempt de défauts. On a du mal à se persuader qu'un squelette de neuf mille ans ait pu rester aussi longtemps dans l'eau sans subir le moindre outrage de la nature. D'autre part, si l'on devine facilement quels personnages seront les bons héros de l'histoire, ils sont assez peu présents dans ce premier tome (deux autres volumes sont prévus) et nous assistons surtout aux exactions commises par les méchants, les cyniques, les corrompus... Le décor étant maintenant planté, il est à souhaiter que la suite saura restaurer l'équilibre en laissant aux forces du bien l'occasion de s'exprimer avec un peu plus de vigueur.
Côté dessin, les pages de flashback en noir et blanc consacrées à Uncas, neuf mille ans auparavant, sont plus dynamiques, plus agréables à l'œil et la mise en page y est plus originale que dans les pages en couleur, et d'autant plus plaisantes que le sachem préhistorique rappelle étrangement un certain cheveux-de-feu, collier de griffes d'ours et coutelas d'ivoire en moins... Il est certain que sans la notoriété de Rahan, exploitée de façon évidente avec les illustrations de la quatrième de couverture, nombre d'amateurs de BD n'auraient peut-être pas eu la curiosité de feuilleter cet album. Au final, c'est une BD relativement intéressante pour son aspect documentaire, mais sans le charme de l'opus majeur du père du fils de Crao...