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Docteur Oméga

Jean-Marc Lofficier (Préface), Gil Formosa (Illustrateur de couverture), Randy Lofficier (Préface), Arnould Galopin ( Auteur), E. Bouard (Illustrateur interne)
Aux éditions : 
Date de parution : 31/05/09  -  Livre
ISBN : 9781934543009
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chloe   - le 31/10/2017

Docteur Oméga

Arnould Galopin est un auteur du début du XXe siècle (1865-1934), à l’imagination féconde, qui a principalement consacré sa plume aux romans d’aventure, policiers et de science-fiction, souvent destinés à la jeunesse et empreints de valeurs patriotiques. Il écrivait en grande quantité à un rythme très soutenu, pour des publications sous forme de fascicules, comme un grand nombre de productions littéraires populaires à l’époque, livrant des textes – nous dit-on dès l’introduction du présent ouvrage – « souvent médiocre[s] ». Il a néanmoins obtenu en 1919 le Prix Monthyon, une distinction de vertu décernée par l’Académie française, pour son roman intitulé Sur le Front de Mer, qui se déroule lors de la Première Guerre mondiale.

Son Docteur Oméga a été publié pour la première fois en 1906. Tombé dans l’oubli, ce texte fait pourtant partie du patrimoine de la science-fiction française. Avantage non négligeable pour une meilleure contextualisation de ce roman, la présente édition reproduit par ailleurs les aquarelles d’origine, de E. Bouard, qui accompagnaient le récit. On y trouve également quatre nouvelles, bien plus récentes, qui mettent en scène le personnage du Docteur Oméga sous la plume d’auteurs contemporains (Chris Roberson, Travis Hiltz, Matthew Baugh, Serge Lehman).

Mais qui est donc ce Docteur Oméga ? L’introduction bienvenue de Jean-Marc et Randy Lofficier éclaire déjà le lecteur. Serait-il un parent ou l’ancêtre du Docteur Who ? C’est ce que supposent les auteurs de cette analyse liminaire. Terrance Dick, auteur de la préface (reproduite dans cette publication) de l’édition américaine de 2003 – publiée également par Jean-Marc et Randy Lofficier –, rejoint ainsi cette hypothèse. Scénariste et producteur à la BBC, notamment de la série Docteur Who (de 1968 à 1974), il fait état de nombreuses similitudes entre les deux personnages, même si  « Naturellement, tout cela n’est peut-être qu’une coïncidence… »

Une invention qui échappe à la gravité

Après avoir reçu un héritage d’un vieil oncle, le narrateur, Denis Borel, se retire à la campagne, en Normandie, pour vivre dans la solitude et le calme, consacrant tout son temps à sa passion, le violon. Mais un événement impromptu dans le voisinage va le faire sortir de sa solitude. Une explosion impressionnante ravage en partie la propriété voisine d’un savant excentrique, le Docteur Oméga, redouté par les paysans de la région, qui le considèrent comme une sorte de sorcier. Intrigué, le narrateur décide d’aller rendre visite à son étrange voisin.

Ce savant inoffensif mène en réalité des recherches sur une nouvelle matière de son invention, la « stellite », dont la propriété première est de pouvoir échapper à la gravité. N’importe quel corps physique peut ainsi se soustraire à la pesanteur s’il est entouré de cette matière. Le Docteur Oméga décide  donc de construire un obus géant entouré de stellite pour en faire un vaisseau, baptisé le Cosmos, qui, une fois ses amarres rompues, s’élèvera jusqu’à la planète Mars, dès lors que la gravité ne le retiendra plus sur Terre. Ce doux-dingue propose alors au narrateur de l’accompagner, lui et son fidèle serviteur Fred, dans ce voyage extraordinaire.

Un contexte particulier

Ce résumé suffit à comprendre qu’il n’y a rien de réaliste dans les aventures du Docteur Oméga. Il va sans dire que les incohérences scientifiques s’enchaînent tout au long du roman, mais ce texte fut publié en 1906, et il convient donc de le resituer dans son contexte scientifique d’origine. Arnould Galopin fait preuve de grande naïveté, et cherche surtout à raconter des aventures incroyables et des situations loufoques. On peut tout de même noter un effort particulier pour justifier chaque phénomène par une explication cartésienne, si erronée soit-elle : « J’avais lu dans des livres d’astronomie, dit-il, que les phénomènes de la végétation n’étaient pas les mêmes sur les autres planètes que sur la Terre, mais je ne pouvais croire à un phénomène aussi curieux… ».

Les emprunts sont nombreux : Arnould Galopin s’inspire principalement de Jules Verne et de H.G. Wells. Le vaisseau qu’il a choisi pour transporter ses personnages sur Mars, à savoir un obus creux, est largement similaire à celui utilisé par Michel Ardan pour atteindre la Lune dans De la Terre à la Lune (1865) de Jules Verne, même si son moyen de propulsion reste différent. Et bien sûr, la « stellite » de Galopin est assez comparable à la « cavorite » de H.G. Wells, utilisée par le professeur Cavor pour rejoindre la Lune dans Les Premiers Hommes dans la Lune (1901). On retrouve aussi des références au Gulliver de Jonathan Swift et au film Voyage dans la Lune (1902) de Georges Méliès, une adaptation de l’œuvre de Jules Verne.

À prendre à la rigolade


Au regard de notre XXIe siècle, les passages amusants sont légion dans Docteur Oméga. Il y a d’ailleurs de nombreuses perles à découvrir, et en voici une – sans gâcher l’effet de surprise, car il y en a d’autres dans la même veine :   « Effectivement, les Martiens n’étaient pas précisément ce que l’on peut appeler de beaux spécimens de la race humaine. […] Le Docteur Oméga, très humanitaire, essaya de parlementer… […] mais les gnomes devinrent plus agressifs. […] – Ma foi, tant pis, dit le Docteur, il faut les exterminer. ». En effet, la rencontre avec une autre civilisation n’est pas vraiment ici l’occasion d’entamer un dialogue constructif, mais plutôt de mesurer les forces ! Et c’est sans compter les « hommes chauve-souris » qui fument la pipe et les éléphants roses (véridique !). L’histoire ne dit pas si Monsieur Galopin était porté sur la boisson, mais ses représentations très particulières des habitants, de la faune et des paysages de Mars ne manquent pas de panache, et sont parfois très colorées, dans une vision qui pourrait, lors de certains passages, être comparée à l’univers d’Alice au Pays des Merveilles de Lewis Carroll. Sans oublier le dialecte martien, qui se rapproche plus ou moins de celui d’un enfant apprenant à parler : les « ploplô » ou autres « gâgayou » ne manqueront pas d’attendrir le lecteur.

Mais ne nous y trompons pas, malgré, ou grâce à ces drôleries, Docteur Oméga a su inspirer par la suite d’autres auteurs, dont on trouve quelques exemples avec les nouvelles incluses dans ce volume. Les Melons de Trafalmadore, de Serge Lehman, très courte mais efficace, est un exemple de la sorte de clin d’œil tout à fait distancié que l’on peut en faire. Enfin,  les amateurs de Docteur Who pourront eux-mêmes juger des analogies entre les deux personnages.

L’agréable fantôme d’une science-fiction naïve

Docteur Omega, resté plutôt méconnu, est à considérer comme un témoignage du passé, un volume tiré des origines de la SF française. Cette réédition est une initiative à saluer, puisqu’elle donne l’occasion de redécouvrir ce roman populaire, qui est bien sûr à lire au second, voire au troisième degré, pour une bonne tranche de rigolade, accompagnée d’un zeste de nostalgie.

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