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La Ville absente

Aux éditions : 
Date de parution : 31/08/09  -  Livre
ISBN : 9782843044861
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ceciler   - le 31/10/2017

La Ville absente

Ricardo Piglia est actuellement considéré comme une des figures importantes de la nouvelle littérature argentine. Cet intellectuel originaire de Buenos Aires doit sa célébrité à des romans comme La Respiration artificielle ou encore Argent brûlé, l'ensemble de son œuvre ayant été récompensé par le Prix Iberoamericano de las letras "José Donoso" en 2006 et par le Prix Roger Caillois en 2008. La Ville absente, dont le texte avait été adapté en 1995 pour l'opéra éponyme de Gerardo Gandini, est traduit pour la première fois en français.

Une machine à raconter des histoires...

Journaliste pour El Mundo, Junior a décidé de mener son enquête sur Elena à la suite d'un mystérieux appel téléphonique. Il se rend au Majestic, hôtel du centre de Buenos Aires, dans le but de collecter des informations sur  elle. Cette mystérieuse créature est un être hybride, mi-femme, mi-machine, qui a le pouvoir de créer des histoires. Conservée dans un musée, elle est gardée par Fuyita, un philosophe et gangster coréen. Au cours de son enquête, Junior interroge des gens et recueille différents récits qui tissent des liens entre eux et qui font écho à ceux de la machine elle-même... Junior apprend bientôt qu'Elena est menacée d'anéantissement par le gouvernement : celle qui crée la fiction menace le contrôle de la dictature sur l'esprit des citoyens.

Un roman expérimental, ambitieux et labyrinthique

La Ville absente a la forme d'une enquête policière qui nous transporte dans une Argentine de l'après-Perón réinventée. Dans l'univers décrit, la distinction entre le réel et la fiction n'a plus vraiment de sens, si ce n'est qu'elle permet d'interroger ces deux catégories. La "danseuse du Majestic", le "Gaucho invisible", la "petite fille rousse" côtoient Richter, Evita, Macedonio Fernández... la fiction a envahi la réalité, soit, mais la réalité n'existe à son tour qu'à partir des récits que l'on en fait : c'est ce qui fait le propos de ce roman ambitieux. Au fil des pages, le roman prend ainsi les allures d'un apologue sur les pouvoirs du récit et sur l'intérêt politique de son instrumentalisation dans une dictature. On plonge dans l'histoire et la littérature de l'Amérique latine, auxquelles les références sont nombreuses.

Si le roman propose une réflexion philosophique et philologique sur le langage, il s'adresse clairement à des lecteurs patients et exigeants. Ce roman est construit à partir d'une succession de récits dans lesquels il est souvent difficile de se repérer, au sein desquels on ne sait souvent démêler le faux du vrai, le délire de la réalité. Les récits tissent des liens entre eux dans un jeu de miroirs compliqué et vertigineux, qui peut fasciner ou dérouter complètement. Dans le roman, les histoires racontées peuvent paraître parfois instrumentalisées par le propos philosophique et politique que l'on veut tenir sur elles, ce qui n'est pas anodin dans un roman qui réfléchit justement à l'instrumentalisation du récit. Certaines scènes se déroulent dans un décor presque cinématographique, la rencontre entre Junior et l'ancienne danseuse de l'hôtel Majestic, aux murs décatis, en est un bon exemple.

Le propos ambitieux du roman en fait une œuvre élitiste qui s'adresse clairement à un lectorat choisi, ce qu'on peut regretter. C'est un roman dans lequel on se perd, l'intrigue volontairement complexe en déroutera et en repoussera plus d'un. Il faut s'armer de patience pour finir par entrer dans ce roman au propos pertinent  Attention, donc ! La Ville absente est un roman dans lequel on entre et on sort difficilement...


 

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