De bruit et de fureur

De bruit et de fureur

Valérie Mangin a reçu une formation en histoire, ce qui lui a donné le titre d'archiviste-paléographe. Toutefois, c'est dans l'écriture de scénarios pour bandes dessinées qu'elle se plaît. Elle s'est plus ou moins spécialisée dans la mythologie antique, en imaginant l'univers de L'Antiquité Galactique. Elle a déjà réalisé Le Dernier Troyen – une série en six tomes – et Le Fléau des Dieux – 6 tomes également. Elle commence ici un nouveau cycle : La Guerre des Dieux.

Dean Yazghi est un nouveau compagnon d'aventure pour Valérie Mangin, après Thierry Démarez et Aleksa Gajic. Passionné de dessin et pétri d'imagination, il aime toucher un peu à tous les styles. Entre autres compétences, il sait réaliser de la gravure sur armes et bijoux.

Un échiquier de sang et de larmes

La guerre fait rage sous les murs de Troie. Les héros grecs cherchent à percer les pierres qui défendent la ville tandis que les assiégés se protègent des assauts. Tous les coups sont permis et, surtout, tous les pillages, qui apportent gloire et richesse aux combattants.

Invisibles dans les nuées, les Dieux observent le conflit et comptent les points gagnés ou perdus par leurs champions. Mais une partie d'échecs est bien plus intéressante quand on fait bouger soi-même les pions ! Quitte à tricher un peu en offrant des présents aux plus méritants.

Ulysse est, lui, un homme à part, un grec qui refuse de croire aux Dieux. C'est pourtant à lui qu'ils choisiront de se révéler, de montrer leur puissance. Mais aussi leur cynisme et leur machiavélisme...

Surfer sur la vague...

Au cinéma comme en bande dessinée, l'antiquité est à l'honneur, mise en avant depuis quelques années. Pour ne parler que des films, 300, Troie et Le Choc des Titans ont crevé l'écran et remis dans toutes les mémoires ces légendes. En littérature aussi, Dan Simmons s'est attaqué à cette époque, en la transposant, la distordant et en en tirant une vision nouvelle.

Valérie Mangin occupe une partie de l'espace dessiné qui se consacre à cette culture. Ce premier tome de La Guerre des Dieux est son treizième volume parlant de l'antiquité. Et elle revient de nouveau sur cette guerre de Troie mythique. Sans arriver à convaincre qu'elle peut apporter de la nouveauté à ce thème fort exploité.

Ce n'est pas que le scénario soit sans intérêt : il est travaillé, mais revivre une énième version de la mort de Patrocle est-il réellement nécessaire ? Ou voir les Dieux se pencher de nouveau sur l'épaule des hommes ? Bref, il y a une sorte de vacuité dans cette histoire, une interrogation sur l'importance qu'elle peut avoir. Comme si elle n'était pas dans le temps présent, arrivant trop tôt ou trop tard pour être perçue à sa juste valeur.

Un dessin bien pensé

Le dessin, lui, est d'un tout autre intérêt. Il nous offre une approche très actuelle du graphisme, novatrice tout en respectant nombre de codes et de voies ouvertes par les maîtres passés. Dean est venu à la bande dessinée par le manga et la filiation est claire. Il y a du mouvement, du drame et une appréhension en trois dimensions de chaque scène qui vient nettement d'influences orientales.

La réalisation finale, le soin des détails et les lignes des tracés, eux, viennent en droite ligne de l'école belge de la fin du siècle dernier. Les deux approches peuvent se marier, se mélanger harmonieusement pour donner un aspect à la fois classique – il y a un peu d'Alix dans ces dessins – et complètement novateur, presque cinématique.

Il faudra peut-être plusieurs années, que la vague étouffante des héros antiques quitte l'actualité, pour que cette bande dessinée puisse prendre – éventuellement – une place dans les étagères des connaisseurs.