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Sous des cieux étrangers

Olivier Girard (Traducteur), Jean-Daniel Brèque (Traducteur), Pierre K. Rey (Traducteur), Lucius Shepard ( Auteur), Pascal Casolari (Illustrateur de couverture)
Aux éditions : 
Date de parution : 11/02/10  -  Livre
ISBN : 9782843440960
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chloe   - le 31/10/2017

Sous des cieux étrangers

Lucius Shepard, né en 1947, est un auteur américain qui s’inspire de ses nombreux voyages de par le monde pour écrire ses romans et nouvelles. Sous des cieux étrangers, troisième ouvrage de Lucius Shepard paru aux éditions Le Bélial’ – après Aztechs en 2005, et Louisiana Breakdown en 2007 – regroupe cinq textes, dont trois inédits en français. Ce recueil comprend également une bibliographie exhaustive de l’auteur, réalisée par Alain Sprauel.

Dans une station spatiale, un handicapé mental se retrouve au centre de tensions qui vont bouleverser le sort de l’humanité ; un joueur de poker hors pair revient d’entre les morts ; un jeune homme recueilli par un cirque fait face à son destin ; un ancien membre de la pègre bostonienne cherche à fuir son passé et va faire une étrange rencontre ; enfin, dans une ville perdue, un producteur indépendant découvre un jeune musicien aussi talentueux que détestable.

Des univers décadents

Les univers décrits dans ces cinq nouvelles ont tous un point commun : la décadence de leur société. Que ce soit le monde en déclin de « Bernacle Bill », la débauche des maisons de jeux de « Dead Money », le Vietnam corrompu de « Radieuse étoile verte », la mafia de « Limbo » ou la dépravation de certains musiciens dans « Des étoiles entrevues dans la pierre », ces cinq textes nous présentent de fameux échantillons de la lie humaine, comme une fatalité indissociable de l'existence.

L’Homme est capable du pire, c’est ce qu’illustre Lucius Shepard dans ces cinq textes pourtant si différents, mais n’est pas exempt de beauté, de folie et de sagesse, et si la vie comporte son lot d’horreurs et d’aberrations, il faut parfois savoir s’y confronter : « […] parce que c’est cela, j’ai fini par le comprendre, le grossier et le difforme, le laid, les minables petits miracles de notre quotidien, la parfaite indignité de l’existence, c’est cela que nous  devons apprendre à aimer, à accepter, à étreindre, si nous voulons que cessent ces dénis qui nous appauvrissent, si nous devons un jour admettre notre poignante fragilité et affronter la terreur et le déchirement inhérents à nos vies, et vivre comme un éclair traversant le ciel au lieu de nous retirer dans l’obscurité. »

On ressent d’autre part dans l’écriture de Shepard une sorte de rejet, ou du moins une forte critique de l’Amérique par son propre peuple. L’auteur nous fait percevoir par exemple le complexe nord-américain d’une puissance qui s’est en partie construite par la violence : dans « Radieuse étoile verte », le major Martin Boyette, être difforme et sans âge qui compte parmi les attractions proposées au public et qui ressasse les horreurs commises pendant la guerre, incarne la culpabilité américaine durant la guerre du Vietnam. Lucius Sherpard s’en prend également au mode de vie de certains de ses concitoyens, comme celui décrit dans « Dead Money » : « De temps à autre, une bagnole […] s’arrêtait dans le parking pour dégorger ses passagers, petite famille bedonnante en quête de Burger King ou clones de Britney Spears en quête de rimmel. »

Cette âme humaine en errance, le désespoir de certains des personnages, sont parfois contrebalancés par des notes d’espoirs. Ces cinq nouvelles se déroulent donc dans un futur proche plus ou moins déterminé, mais qui reflète les erreurs de notre passé.

Un style très imagé

Lucius Shepard possède un style fluide, très imagé, mais qui flirte parfois avec la caricature, à l’image de ces polars américains des années 1950, dans lesquels le gros bras ou le flic qui a de la bouteille descend en ville pour une petite virée dans les bas-fonds.

Si certaines trouvailles piquantes sont réjouissantes : « On aurait dit que la ville le gênait aux entournures (…) », ou encore : « Il était aussi con qu’une pendule arrêtée (…) », la masculinité exacerbée des personnages et les sempiternelles parties de jambes en l’air à la James Bond qui entrecoupent le récit, ne manquent pas de l’alourdir. Ces passages gâchent un peu l’ensemble, et ne mettent pas en valeur la capacité de Lucius Shepard à créer des univers prenants. C’est tout à fait dommage, puisque ces textes proposent des réflexions intéressantes, notamment les deux meilleures nouvelles de ce recueil, « Bernacle Bill » – qui à elle seule justifie cette parution – et « Dead Money » - qui reprend le même principe que Les Yeux électriques du même auteur.

« Limbo » fait quant à elle écho à une autre nouvelle de Lucius Shepard, « La Présence », parue d’abord en français dans Bifrost n°40 (octobre 2005), et reprise dans le recueil Aztechs. « Présence » revenait sur les événements du 11 septembre 2001 ; mais alors que le procédé utilisé dans cette dernière faisait office de révélateur final, il s’avère assez galvaudé dans « Limbo ».

Une impression mitigée

Les nouvelles de Lucius Shepard réunies dans Sous des cieux étrangers sont à lire de façon sélective. Si l’on occulte les passages trop caricaturaux, et que l’on se concentre sur les trames des récits, plutôt réussies, on y trouve, en plus de la maîtrise de la narration, une dimension réfléchie et critique sur les sociétés humaines.

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