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Photo de Intégrale Ranx

Intégrale Ranx

Liberatore ( Auteur), Stefano Tamburini ( Auteur), Alain Chabat (Scénariste)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 31/03/10  -  BD
ISBN : 9782723475686
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stephaneg   - le 31/10/2017

Intégrale Ranx

Ranx – ou RanXerox –, personnage atypique d'androïde ultra-violent, apparaît pour la première fois en France en 1981 dans les pages du magazine L'Écho des savanes. Il a pourtant été créé en 1977 en Italie, par Stefano Tamburini, Tanino Liberatore et Andrea Pazienza, trois jeunes artistes à la tête du mouvement des nouveaux futuristes italiens. D'abord héros de courts épisodes en noir et blanc, où il traîne dans un trentième niveau livré aux malfrats d'une Rome futuriste et trucide tous ceux qui lui barrent le chemin, Ranx passe rapidement à la couleur et à un format élargi. Dans Ranx à New York, il traverse l'Atlantique après maintes péripéties dans la capitale italienne. Puis avec Bon anniversaire Lubna, on le redécouvre prêt à tout pour arracher la petite peste dont il est amoureux aux dangers qui la guettent. En 1986, alors que les créateurs de Ranx travaillent sur un troisième épisode des aventures du héros italien, Tamburini succombe à une overdose, suivi de près par Pazienza qui meurt de la même façon. Liberatore, maintenant seul, ne terminera pas l'ultime album. Ce n'est que dix ans plus tard que Amen ! paraît, fruit de l'association de l'auteur de BD italien et d'Alain Chabat (le cinéaste).

Du sexe, de la drogue, du punk et du trash

Deuxième planche du premier épisode de Ranx : le personnage tranche au couteau les doigts d'un homme qui l'a insulté.
Troisième planche : il met son poing dans la figure d'un gamin qui lui tire la langue.
Le ton est donné. Le tout nouveau héros de bande dessinée qui vient d'apparaître est une brute épaisse. Ce robot à l'apparence humaine, fabriqué à partir d'une photocopieuse Xerox, est un personnage qui n'a ni foi, ni loi, ce qui se lit sur sa face porcine et se traduit par l'absence totale d'inhibition chez ce zonard du trentième niveau. Les auteurs de la BD ne souffrant d'aucune censure, ils livrent des dessins où règnent violence, gore et sexe, Ranx comme d'autres personnages – homme ou femme – exhibant allègrement leurs organes génitaux. C'est donc à un public averti que s'adresse Ranx.

C'est aussi un public amateur de science-fiction qui prendra plaisir à lire cette saga qui s'est écrite sur plus de dix ans. La Rome et la New-York des années quatre-vingt qui servent de décors aux aventures de Ranx sont futuristes, mais surtout décrépies, livrées en partie aux bandes de criminels, victimes de psychopathes que la folie pousse à abattre des gens dans les transports. Leurs populations sont divisées entre riches et pauvres que la consommation de drogues de tous types rassemblent dans la déchéance, le stupre et l'auto-destruction. Des métropoles qui n'ont que trop de points communs avec les grandes villes de notre début du XXIe siècle. Ces théâtres de la décadence humaine, Tamburini, Liberatore et Pazienza s'en servent également pour se moquer. Se moquer par exemple des milieux hype, avec la party chez Enogabalo ; se moquer des milieux artistiques avec la transformation de Ranx en Fred Astaire à Broadway, du défilé de mode de Sgtfeghi, et cætera.

Pourtant, malgré sa modernité, Ranx reste une bande dessinée ancrée dans les années quatre-vingt qui l'ont vu naître. Outre le fait qu'elle évoque justement cette décennie – donc un futur maintenant dépassé, mais qui n'a rien perdu de sa pertinence –, elle en possède tous les attributs visuels : le kitsch de ses couleurs, le côté rétro de nombre d'éléments du décor, le style vestimentaire des personnages, le côté punk du personnage, la liberté de ton des auteurs issus d'une génération désenchantée, amateurs d'urbanisme, de machines et de vitesse, criant dans chaque planche leur rage contre une société moderne partant à vau-l'eau.

Pas étonnant, donc, qu'en son temps, Ranx ait marqué les lecteurs. La qualité de ses dessins et de ses couleurs, mais surtout son côté provocateur ne pouvait que frapper les esprits – et ils le font toujours. Les scénarios des aventures de l'automate ultra-violent ne sont pas d'une grande profondeur, mais ils laissent libre cours à l'expression de l'amour des auteurs pour la modernité urbaine et technologique. Ranx, bande dessinée culte, méritait une réédition qui permettra à ceux qui la connaissaient de la redécouvrir ; à ceux qui ne la connaissaient pas de compléter leur culture bédéphile en prenant, s'ils ne sont pas choqués par le sang, le sexe et la drogue, un plaisir certain.

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