BD
Photo de Le Souffle du vent

Le Souffle du vent

Eric Corbeyran (Scénariste), Grun (Dessinateur), Stéphane Anière (Scénariste), Martin Le Breton (Scénariste), Elise (Coloriste)
Aux éditions : 
Date de parution : 22/04/10  -  BD
ISBN : 9782356481191
Commenter
Christian   - le 31/10/2017

Le Souffle du vent

Une fois n'est pas coutume, ce n'est pas la BD qu'on adapte, mais un spectacle musical qu'on adapte en BD. La faute à Éric Corbeyran qui a vu dans cet univers visuel une puissante matière à BD. Le spectacle de Stéphane Anière et Martin Le Breton, qui fit d'abord l'objet d'un court métrage puis d'un DVD, a été inauguré au cirque d'hiver en juin 2007. On peut en voir des extraits sur www.lesouffleduvent.com. Scènes de combat, peintures corporelles impressionnantes, spiritualité et maîtrise de soi dans un monde policier, où le voyage virtuel rejoint le spirituel. Des artistes surmusclés, dont certains sont champions de leur discipline. Le tout enrobé de la musique cinématographique de Romain Paillot.

Comme le DVD, l'album est un support de promotion du spectacle et un one shot aux éditions 12bis, où Corbeyran, l'un des scénaristes français les plus créatifs et prolixes de la scène BD actuelle, a déjà publié les séries 9/11 et Pulsions. C'était la première contribution de Grun, le dessinateur de La Conjuration d'Opale et de Metronom, au catalogue des éditions 12bis.

Oppression et épreuves mentales

Malgré les émeutes qui éclatent à Paris et ailleurs, les milices gouvernementales imposent leur loi. La plupart des opposants sont tués, emprisonnés, expulsés.

Dans le Dojo, un temple zen perdu dans une forêt, le jeune Rio se bat jusqu'à mettre K.O. son adversaire. Arthur, son professeur, le réprimande et Élise rejoint le jeune combattant sur le toit où il rumine sa colère. Elle le réconforte en lui racontant sa vie et la disparition de toute sa famille. Elle aussi a eu la haine. Elle aussi a su canaliser son agressivité. Rio apprendra.

Élise est prête pour une expérience spirituelle qui doit la conduire dans une autre dimension, où au terme d'épreuves physiques et psychiques, elle pourra trouver la plénitude et la véritable harmonie. Le voyage mental commence...

Le risque du vent

Pour Corbeyran, il s'agit d'une adaptation et cela se ressent nettement. Le scénario est en-dessous du label Corbeyran habituel. Les liens entre les émeutes, le Dojo et les voyages virtuels sont superficiels. Ils peuvent paraître moins artificiels dans un spectacle où le propos est de présenter de belles scènes de combat, mais dans la BD, le contexte totalitaire n'est pas exploité. Il sert d'introduction, il est évoqué dans les souvenirs des personnages pour justifier leur détresse, mais on ne saisit pas bien l'intérêt d'une manipulation et d'une humiliation mentale des rebelles dans un monde virtuel mal présenté. La fusion entre voyage spirituel et voyage virtuel n'est pas explicitée. On se demande pourquoi Élise veut absolument retrouver le prisonnier du monde virtuel alors qu'il y a tant d'opprimés à sauver dans la vie réelle. Le personnage de Rio cultivé au début est abandonné en cours d'album. On oublie vite le Dojo et sa discipline de fer. Le choix de la succession de combats comme épreuve d'élévation spirituelle dans un monde est tiré par les cheveux. Une succession d'images fortes, qui peuvent faire un bon spectacle, ne font pas forcément un bon scénario. Excellent scénariste, Corbeyran se contente, ici, de sauver les meubles, d'introduire du sens, de créer des liens, de produire de bons dialogues, de mettre les scènes en case, mais il manque du liant et une cohérence logique minimale entre les personnages et leurs objectifs. On a le sentiment que Corbeyran a manqué de liberté dans la réécriture du scénario.

Le dessin de Grun est toujours très bon, mais il est en-dessous de La Conjuration d'Opale et de Metronom. L'héroïne et Rio ont des visages qui changent suivant les angles de vue. Il y a peu d'originalité dans le cadrage des personnages. Peu de décors riches qui sont toujours très soignés chez le dessinateur. Les nombreuses scènes de combat sont traitées avec réalisme et une incontestable dextérité.

Au total, une bande dessinée qui ne révolutionne pas le genre, qui se contente de peu, mais qui assure le minimum syndical grâce à ses qualités graphiques, ses scènes de combat et son message spirituel, pas toujours subtil. Sans doute en-deçà d'un spectacle qui vaut par sa plastique, sa musique et sa chorégraphie martiale.

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?