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Stratégies du réenchantement

Philippe Caza (Illustrateur de couverture), Jeanne A. Debats ( Auteur)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 07/06/10  -  Livre
ISBN : 9782917718209
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juliend   - le 31/10/2017

Stratégies du réenchantement

Entre Griffes d’Encre et Jeanne-A Debats, il s’agit manifestement d’une histoire d’amour. Trois nouvelles publiées, une anthologie dirigée, et surtout, un grand prix de l’imaginaire décroché en 2009 pour sa novella La Vieille Anglaise et le continent. On ne s’étonnera donc pas qu’auteur et éditeur se retrouvent autour de la publication de ce premier recueil de nouvelles au titre accrocheur. Derrière une couverture rouge – très rouge même – signée Caza se cachent huit nouvelles réunies, si l’on en croit la quatrième de couverture autour de « l’art et les raisons de dire non », ou encore « huit stratégies pour réenchanter le monde jusqu’à, parfois, le détruire ». Un joli argumentaire commercial qui cache surtout un recueil d’auteur, de ceux qui se basent avant tout sur la personnalité de l’écrivain pour cimenter des travaux, des histoires aux contenus et aux thématiques variées, mais dans lesquelles on peut discerner une patte, une signature, une personnalité. Une bonne occasion de découvrir cet auteur.

Huit plats, un pousse et l’addition !

Il serait difficile d’attribuer le recueil à un genre particulier des littératures de l’imaginaire, et, si la plupart des textes s’inscrivent dans une veine plutôt science-fictive, on dénombrera quelques intrusions vers la fantasy urbaine et le fantastique.

On commence en douceur avec une nouvelle historique légèrement teintée de fantastique. « Aria Furiosa » plonge le lecteur en pleine seconde guerre mondiale, dans l’intimité du dernier castrat. On évolue entre cour et jardin dans cette histoire de vengeance au goût amer.

En total décalage, la seconde nouvelle, « Saint-Valentin » propose une immersion dans les territoires de la fantasy urbaine. Nous suivons ici la femme d’un serial-killer au goût particulier, à la recherche d’une vie plus ordinaire.

« Paso-doble » entraine le lecteur sur le sable des arènes de corrida d’un monde fragmenté où liens du sang et pratiques culturelles ont retrouvé tout leur sens. Autour d’une histoire d’amitié et de vengeance, les passes s’enchainent avec une seule certitude à la clé : le sang coulera.

La quatrième nouvelle, qui donne son nom au recueil, est tout entière consacrée à une terrible maladie et à son impact sur les relations familiales plutôt tendues entre un ancien hédoniste et sa fille, arrivée par accident.

« Privilège insupportable », nouvelle déjà publiée dans l’anthologie Éléments II : Air – toujours chez Griffe d’Encre – aborde le problème de l’individualisme et du droit à jouir personnellement d’une ressource limitée dans un monde où l’air vient à manquer.

Comment avancer lorsque l’on est seul au monde et que l’on a littéralement besoin de l’autre pour assurer sa subsistance ? « Gilles au bûcher » propose une solution au goût de cendre, là encore dans un environnement plus qu’hostile.

Maladie, absence d’air, besoin de compagnie autant que de nourriture, « Fugue et fragrance du dépotoir » aborde un peu des thèmes déjà évoqués lors des nouvelles précédentes. Dans une station spatiale en état avancé de désagrégation, une population de marginaux essaie d’assurer sa survie alors que les troupes régulières tentent de récupérer le contrôle des lieux.

La dernière nouvelle met en scène un nettoyeur du temps particulièrement zélé qui, lassé de faire le ménage dans les époques souillées par les touristes temporels, trouve une solution radicale.

Le recueil se clôt par une postface signée Jean-Claude Dunyach, qui apporte quelques éléments d’analyse thématique.

Ici et ailleurs

Huit nouvelles très différentes donc, dans des univers reliés entre eux par un certain pessimisme de ton, aux reflets post-apocalyptiques appuyés, à l’exception de la mise en bouche, les deux premières nouvelles tranchant sur le reste du recueil. Les cadres de l’action sont multipliés et l’on fait parfois le grand écart entre deux histoires, passant du soleil du sud de la France à un univers carcéral, d’un bunker privé d’air à une station spatiale perdue aux franges de l’humanité. Aires géographiques variées, individus, coutumes changeantes avec pour seule constante un je-ne-sais-quoi de désespéré, une solitude de tous les instants même pour les personnages les mieux entourés. Une SF sans grand espoir, où l’objectif des protagonistes consiste en une action rapide, désespérée, aux conséquences funestes. Amateurs de happy-end, passez votre chemin.

Stratégie du désenchantement

Genre de l’économie, la nouvelle à chute suggère en peu de mots un environnement riche où prend place une action limitée. Elle nécessite un équilibre fragile que n’atteignent malheureusement pas les textes de ce recueil. Les situations proposées, les contextes envisagés sont trop peu raffinés, tentatives brutales d’imposer le Sense of Wonder au lecteur par effet d’accumulation, en empilant phénomènes étranges et situations dramatiques les uns par dessus les autres. Cet effet se retrouve dans le style d’écriture qui fonctionne par entassement de détails et de qualificatifs, provoquant des lourdeurs (« Je me fonds dans la foule traumatisée qui quitte Garnier avec lenteur, cernée par un silence funèbre que rompent seulement quelques gémissements » ...ouf!) ou confinant au cliché littéraire.

Ce type de nouvelle voit souvent se concentrer sa qualité dans la chute proposée, manière de remise en cause ou de point d’orgue du développement. Là encore, le recueil pèche par manque d’originalité et l’auteur échoue à garder son lecteur en haleine. Les conclusions sont prévisibles (« Aria Furioso », « Paso Doble »), voire franchement caricaturales (« Nettoyage de printemps »). Seule la novella « Fugues et fragrances au temps du Dépotoir » échappe à ces écueils. Plus longue, plus homogène, l’auteur prend sont temps pour poser un décor efficace, avec un véritable suspense et une conclusion amère. Ce n’est malheureusement pas suffisant pour relever le niveau général. Toutes ces remarques font de Stratégies du réenchantement un essai non transformé, un recueil hétéroclite souffrant de trop nombreux défauts pour n’être autre chose qu’une lecture anecdotique.

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