Livre
Photo de Djeeb l'encourseur

Djeeb l'encourseur

Aurélien Police (Illustrateur de couverture), Laurent Gidon ( Auteur)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 15/06/10  -  Livre
ISBN : 9782354080853
Commenter
Christian   - le 27/09/2018

Djeeb l'encourseur

Laurent Gidon (alias Don Lorenjy) avait plaisamment surpris le monde de la SF en 2008 avec Aria des brumes et le monde de la fantasy en 2009, avec Djeeb le chanceur. L’intérêt des thèmes abordés, la mise en contexte, le pittoresque des personnages, servis par une indéniable qualité d’écriture, avaient séduit bon nombre de lecteurs, rendus méfiants par le piètre niveau de nombreux premiers romans parus ces derniers temps.

Le personnage de Djeeb, saltimbanque rusé, maître conteur (à l’image de son créateur), expert en improvisation et très doué pour retourner à son profit n’importe quelle situation, est attachant. Jouisseur, individualiste, manipulateur, il n’a pas toutes les qualités morales attendues d’un héros idéal, mais il ne paye pas de mine et sait tirer parti de ceux qui le sous-estiment. On l’apprécie parce qu’il paraît inutile, fragile et parce que, derrière ses allures de candide, il cache une profonde connaissance de la psychologie humaine, un esprit vif, une langue facile et une chance indéfectible qui lui a valu son surnom dans le premier roman. Notons que sa chance n’est pas contagieuse et les habitants d’Ambriane l’ont appris à leurs dépens.

La course endiablée

Après sa fuite mouvementée de la Cité d’Ambriane, Djeeb échoue à Port-Rubia, où il confie sa jeune compagne à un couvent. Surpris par les pas lourds du maître de maison, il doit quitter précipitamment le lit de la généreuse Solonde, au petit matin. Se rhabillant sur les quais, il rencontre le marin Sarmon, qui l’entraîne dans une nouvelle aventure : après quelques échauffourées, il part, avec une poignée de volontaires, retrouver les brigands qui ont attaqué la diligence de ravitaillement de la Cité. C'est le début d'une course effrénée.

Féru de jonglage, de chant et de musique, il n’est pas d’une grande utilité pour la petite troupe armée, surtout quand il se fait enlever par les clandestins de la forêt. Mais c’est là, dans les grottes de Calderia, qu’il va entrer en contact avec un homme hors du commun, détenteur d’une arme curieuse.

Djeeb l’encoursé

Dans cette seconde aventure, Djeeb paraît plus que jamais entraîné dans une course infernale dans laquelle il s’est malencontreusement empêtré et qu’il ne maîtrise pas. Djeeb le troubadour vit à travers les yeux de ses spectateurs. Si son public est une bande de marins bourrus et gras du muscle, il singe leur courage et leur abnégation dans l’effort. Et le voilà enrôlé dans une expédition punitive dont il n’a que faire, parmi des braves types qui n’apprécient en rien ce qu’il sait faire. Le hasard, toujours, va le mener à la rencontre de gaillards plus sveltes et plus habiles, auprès desquels ses talents vont passer, cette fois, inaperçus. Il restera donc à ce pauvre Djeeb, bousculé de course en course, encoursé plus qu’encourseur, de profiter des aubaines et de s’emparer d’une arme très puissante venue d’ailleurs. Tel un goujon se faufilant dans le courant d’un torrent, Djeeb subit le cours du temps, mais le subit intelligemment, en pliant, en ployant et en s’émerveillant de ses propres cabrioles.

Assurément, le premier intérêt du roman est la plongée dans un monde médiéval à mi-chemin entre Robin des Bois et La Roue du Temps de Jordan, dans un microcosme port-rubian et calderian. De la bagarre dans la taverne à l’expédition en forêt, de la découverte du monde des hommes aux lianes à l’abordage d’un navire, le décor est planté, avec dextérité. Le second intérêt, qui s’amplifie à la lecture, c’est la petite musique intérieure gidonnienne ; le style qui lie élégance, ironie et fausse insouciance ; un regard altier, mais compatissant, sur le monde, où l’œil de l’auteur supplante parfois celui du héros ; une langue enjôleuse, mélodieuse ; un vocabulaire très riche ; un rythme de phrases longues, qui coulent et vibrent de l’intelligence du monde et de leur discrète audace.

Si l’on omet l’atmosphère et les personnages, le récit semble être un prétexte au libre cours d’une langue précise, charmeuse et raffinée. Ce ton, cette écriture est une figure en soi. Un personnage, un être invisible qui s’invite dans les créations de Laurent Gidon et leur donne ce détachement, cette vérité, cette finesse et cette amusante désinvolture.

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?