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L'Etrange fillette

Aux éditions : 
Date de parution : 30/06/10  -  Livre
ISBN : 9782352166047
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stephaneg   - le 31/10/2017

L'Etrange fillette

On dit souvent que l'auto-édition – ou édition à compte d'auteur – est la source d'une quantité importante de mauvais livres. Si certains exemples prouvent le contraire, il faut bien avouer que ce moyen d'édition est bien souvent la foire aux nanars. L'Étrange fillette, qui paraît aux éditions Persée, ne fait pas exception. Ce premier tome d'une série de science-fiction intitulée La Fin d'un monde a été écrit par un auteur au nom à consonance anglo-saxonne dont on ne sait rien d'autre sinon qu'il vit à Saint Pée sur Nivelle ; une information capitale qui finira de démasquer l'inconnu : Montana Lee Erevan est un pseudonyme, ce dont l'indication page 69, « [Washington D.C.] est divisée en huit Wards, l'équivalent des arrondissements de la région parisienne », ainsi que l'image caricaturale des États-Unis et des Américains que donne l'auteur nous avaient déjà fait subodorer.

Mais n'allons pas trop vite : nous en sommes déjà à parler de la page 69 alors qu'il y a beaucoup à dire sur les soixante-huit précédentes. En effet, Erevan livre dans L'Étrange fillette un récit qui débute en Afghanistan, où la guerre continue de faire rage en 2015. Le Colonel James Cunnigan de l'armée américaine participe à une opération de capture d'un chef taliban, le Mollah Wâhid.
La mission est un succès mais Cunnigan est blessé. Pendant sa convalescence, il fait l'expérience d'étranges rêves. Revenu au pays, le soldat découvrira qu'il n'est pas le seul à les vivre. Faith Baldwin, journaliste ayant suivi la mission en Afghanistan, rêve elle aussi qu'une petite fille l'appelle à l'aide. Or, Wâhid vient de s'échapper et est en liberté. Y aurait-il un rapport ...?

Le pire roman de science-fiction de l'année 2010 ?

Un bon roman de SF doit avoir pour personnage principal un héros digne de ce nom. C'est sans doute ce que s'est dit l'auteur de L'Étrange fillette en choisissant de mettre en scène James Cunnigan, dit Jimmy. C'est un vrai homme : soldat viril, brillant officier, marié avec une « Afro-américaine au visage radieux et aux mensurations à faire pâlir le Top Model Elle McPherson » ; un héros qui ne se déplace jamais sans son Desert Eagle version Gold et à qui risquer sa vie en Afghanistan ne fait pas peur. La preuve, il est blessé en mission et même si sa solide constitution lui a permis de se remettre en deux jours d'un méchant coup de couteau, il a le droit à une permission. Il revient donc aux États-Unis sans prévenir sa famille, avec qui il ne restera d'ailleurs que vingt-quatre heures – sans même visiblement honorer sa somptueuse épouse – pour repartir aussi sec à la poursuite du Mollah Wâhid qui vient de s'échapper. L'autre personnage clef du roman, la journaliste Faith Baldwin, est tout aussi caricaturale, ridicule et superficielle. Jimmy réussira ainsi à l'impressionner en ouvrant une bouteille de bière avec sa boucle de ceinture et en vidant ladite boisson d'un trait.

On l'aura compris, les personnages de Montana Lee Erevan ont l'épaisseur du papier à cigarettes. On aurait préféré que l'auteur s'attache plus à leur créer une véritable personnalité qu'à inclure dans son roman des descriptions insipides et sans intérêt. Car Erevan réussit le tour de force d'introduire des longueurs dans un texte de moins de cent cinquante pages. Cela dit, il parvient à instruire le lecteur : on saura tout du Hummer HX de Cunnigan ; on ne saurait se perdre dans Washington D.C. grâce à l'énumération des rues tout au long du  trajet de Jimmy jusqu'à chez lui ; les munitions utilisées par les spetsnaz n'auront plus de secrets, et cætera.
Mais outre le fait que ces descriptions encombrantes ralentissent le récit, elles créent bien souvent des digressions extrêmement malvenues. Ainsi, à la toute fin du roman, quand la tension est à son comble, l'auteur prend le temps de nous expliquer l'intérêt d'un hélicoptère Bell-430 pour le transport d'organes. On rigolerait si on n'était pas affligé par la maladresse d'un auteur qui ne sait pas se retenir, tel un collégien, d'étaler ses connaissances dérisoires et qui sabote lui-même son histoire.

Toutefois, il ne sabote pas grand-chose étant donné la piètre qualité d'un récit tiré par les cheveux. Après une enquête rapide – la fillette dans leurs rêves leur indiquant la clef de l'énigme –, les deux personnages foncent tête baissée au cœur de l'action. L'auteur, lui aussi, semble avoir écrit toute la fin de son roman sans vraiment regarder ce qu'il faisait. Les courses-poursuites dans les couloirs de la base militaire secrète qui est le centre de l'action finale sont absolument incompréhensibles – et surtout les couloirs sont très longs, le plan de la base apparemment très tortueux – et les héros n'hésiteront à abattre ni les Talibans qu'ils croiseront, ni les soldats américains sur leur chemin ; soldats pourtant dans leur camp. Quant aux abominables mutants qui viennent se joindre à la fête, en réussissant juste au pire moment à défoncer les portes de leurs cellules, ils ajouteront un petit peu plus de bazar à une fin de roman qui se conclut par une indescriptible pagaille que l'auteur, d'ailleurs, ne réussit pas à décrire de façon compréhensible.

L'Étrange fillette est sans conteste le pire roman de science-fiction qu'il nous ait été donné de lire en 2010.

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