fredcombo
- le 31/10/2017
La Vie secrète et remarquable de Tink Puddah
Encore inconnu en France, Nick DiChario publie des nouvelles depuis 1992 et a déjà été plusieurs fois nominé pour le prix Hugo dans cette catégorie, ainsi que pour le World Fantasy Award. Comme un certain nombre d'auteurs anglo-saxons, il suivi un atelier d'écriture créative sous l'égide, entre autres mentors, de Nancy Kress et de Gene Wolfe. La Vie secrète et remarquable de Tink Puddah, son premier roman, a fait partie des finalistes du J. Campbell Award. Les éditions Télémaque, qui nous font découvrir cet auteur prometteur, avaient quant à elles été remarquées en 2005 en sortant simultanément l'un de leurs ouvrages en librairie ainsi qu'en téléchargement intégral et gratuit sur internet. Nick DiChario a également signé un recueil de nouvelles avec Mike Resnick et son second roman, Valley of day-glo, est disponible depuis 2008. A la lecture de son C.V., gageons que nous entendrons encore parler de Nick DiChario...
Le hillbilly blues d'un Hillbilly bleu...
À peine arrivé sur Terre, Ru et Nif, deux extra-terrestres venus d'un monde aquatique, sont tués alors qu'ils sont sur le point de terminer la métamorphose qui devait leur permettre de s'adapter à leurs nouvelles conditions de vie. Tink Puddah, leur enfant, sera adopté par un trappeur et sa femme avant de devenir, après bien des mésaventures, un membre respecté d'une petite communauté rurale du nord-est des Etats-Unis, malgré une étrangeté dont les signes les plus évidents sont sa carnation bleutée et sa taille très inférieure à la moyenne. Il ne lui aura cependant pas été facile de s'intégrer parmi les Terriens, en ces temps rudes et voués à un dur labeur, à l'aube de la Guerre Civile. Avant toute chose, il lui aura fallu comprendre les hommes et ensuite, s'en faire comprendre à son tour, ce qui lui sera facilité par la découverte de certaines aptitudes extraordinaires...
Un évangile extra-terrestre, pour un public averti !
Construit suivant deux lignes narratives distinctes, le roman nous emmène alternativement à deux époques différentes. Les chapitres qui se déroulent lors de la période suivant les obsèques de Tink Puddah mettent au premier plan l'enquête sur les causes du décès de l'extra-terrestre ainsi que les états d'âme du pasteur Jacob Piersol, personnage central du roman au point d'éclipser souvent celui de l'extra-terrestre. Le second fil narratif nous ramène au temps de l'enfance de Tink Puddah, de ses premières années sur Terre et de ses premières découvertes, les différentes époques s'éclairant mutuellement peu à peu, jusqu'à la rencontre des deux principaux protagonistes.
Le quatrième de couverture fait mention d'une histoire hybride, à mi-chemin entre E.T. et Croc-Blanc, mais cette audacieuse comparaison qui risque plus d'attiser la méfiance du lecteur potentiel que d'exciter sa soif de découvertes originales ne reflète pas exactement le contenu du livre. L'omniprésence de la religion évoquerait plutôt les mémoires de Laura Ingalls Wilder et si le ton du roman ainsi que son cadre rustique donnent parfois l'impression agréable de lire un inédit de Clifford Simak, il faut bien reconnaître que La Vie... de Tink Puddah ne parvient pas à se hausser jusqu'au niveau d'une réussite telle que Au carrefour des étoiles, écrit dans la même veine champêtre empreinte de mysticisme extra-terrestre. Certaines scènes, peut-être plus significatives pour un lecteur nord-américain, auraient gagné à plus de concision et si on n'a de goût ni pour le base-ball ni pour la religion, on se surprend parfois à lire certaines pages en diagonales.
Le bilan est cependant loin d'être totalement négatif car La Vie... de Tink Puddah est suffisamment court pour rester agréable et possède des qualités que l'on a en effet trop rarement l'occasion de trouver dans un roman relevant de la science-fiction : de la douceur, des passages empreints de poésie bucolique, une certaine foi en l'humanité, tempérée d'une indispensable lucidité... Nick DiChario a visiblement voulu écrire une belle histoire positive et il a en partie atteint son but.
L'impression d'ensemble qui demeure après avoir tourné la dernière page reste cependant plutôt mitigée. Le livre est subtil, certes, mais peut-être un peu trop éloigné de l'expérience des lecteurs européens, auxquels manquent souvent les références bibliques que l'on suppose plus familières au lectorat américain. Les points positifs du roman donnent cependant envie de donner une seconde chance à Nick DiChario si son deuxième livre, que l'on dit influencé par la manière de Kurt Vonnegut Jr, venait à être traduit en français.