Sorcellerie & Dépendances

Sorcellerie & Dépendances

Sandrine Revel travaille principalement comme illustratrice pour la littérature jeunesse, mais elle a aussi réalisé plusieurs albums en tant que scénariste, des créations parfois très particulières comme Bla Bla Bla ! ou Intérieur Jazz.

Amérique profonde et désir d'évasion

Eva s'ennuie dans sa vie, se sent vieillir, ne plus exister. Elle est animatrice d'un groupe de parole, dont la finalité est d'aider les sorciers à se défaire de leur dépendance à la sorcellerie. Mais, tandis qu'elle aide ses patients, au fond d'elle, elle parcourt le chemin inverse, celui qui mène à la sorcellerie.

Désir d'être jeune, d'avoir une autre chance, une nouvelle vie... Dans une Amérique où la loi condamne les actes de sorcellerie et où les sorciers actifs sont mis à l'index, Eva va plonger. Mais la vérité n'est pas toujours ce que l'on croit et les maris sont parfois plus dangereux que les démons invoqués...

Pétillant et profond

Cet album est particulièrement intéressant, dans sa forme comme sur le sujet qu'il nous présente. Sous couvert d'une joyeuse farce allégorique sur les dépendances, il nous brosse un portrait terrifiant d'une Amérique en roue libre, dans laquelle la vie est vide de sens, où le seul rêve est de ne plus être soi-même.

Sandrine Revel joue avec les codes, déforme cet univers si puritain et bien-pensant que l'on nous présente d'ordinaire, lui donnant une face cachée plus sombre, attractive et mortifère qui n'est peut-être finalement pas si loin de la réalité.

Un graphisme rétro et étonnant

Si le sujet est particulier dans son traitement, le dessin mérite lui aussi d'être noté. Il est en phase avec le propos, lui juxtaposant une vérité encore plus forte rien que par les choix des couleurs et l'organisation du graphisme. Chaque page découpée en jolies cases bien ordonnées, aux coloris légèrement passés, juste assez pour donner une impression d'âge, de rétro qui nous renvoie au sujet de l'histoire... comme un reflet des vieux comics des années de guerre.

Le trait des fonds aussi est parfois très détaillé, comme photographique, ou simplement esquissé pour garder l'ambiance. Les corps et les visages ont aussi un réalisme très fort qui, parfois, est un peu exagéré, mais apporte un excellent rendu des expressions.

Petit de format, bien conçu, bien réalisé... cet album vaut le coup d'être découvert.