Supermarket
Brian Wood est un scénariste très connu de l'autre côté de l'Atlantique. Reconnu pour certaines de ses productions, comme Northlanders ou Channel Zero, il a plusieurs fois été nominé pour ses réalisations.
Kristian Donaldson n'est pas non plus un inconnu en Amérique. On lui doit le dessin de Forsaken et de Doomed. Ses dessins pour Supermarket lui ont valu une nomination aux Eisner Awards.
Lourd héritage
Pella est une jeune femme comme beaucoup d'autres. Née de parents riches, elle dispose de tout ce dont elle peut rêver et la vie dans cette ville où tout se vend et tout s'achète lui est facile. Pourtant, elle tient à son autonomie financière et travaille comme vendeuse. Elle se sent aussi concernée par l'avenir de ce monde, par l'équité et le partage... par les autres.
Sa vie bascule le jour où elle retrouve ses parents assassinés. À partir de cet instant, sa vie va n'être plus qu'une fuite, échappant sans cesse aux Yakusas et aux Suédoises qui la traquent. Elle n'a plus de compte bancaire, plus d'endroit où se cacher et très peu d'amis.
Elle va devoir toutefois suivre la voie dictée par ses défunts parents et, finalement, faire un choix qui, au-delà de son propre avenir, pourrait bien changer le futur de tous les habitants de la cité-supermarché.
Un scénario à couper le souffle
L'histoire de Pella s'inscrit totalement dans la vague actuelle qui occupe les écrans de cinéma, ces destins tracés qui, de Matrix à Wanted ou Push, entraînent des héros à travers une quête dangereuse et riche en rebondissements, mais parfaitement morale à la fin.
Mais dans cet album, au-delà des effets de surprise et de la course haletante, se cache une critique acerbe de la société américaine, de ses dérives et de l'argent-roi. Une foule de consommateurs assoiffés de reconnaissance, éblouis par leur carte bancaire et la possibilité de dilapider leur argent – à condition que cela se voie.
Le regard presque clinique de Pella, la course au pouvoir et à l'argent, ainsi que la conclusion choisie par les auteurs sont en eux-mêmes une remise en cause du modèle américain, du consumérisme. Mais exploré avec une sorte de candeur, de neutralité qui leur donne encore plus de force.
Un trait singulier
Le dessin de Donaldson aussi est un voyage, une plongée dans les prémisses des bandes dessinées critiques, avec des graphismes rappelant parfois des classiques comme Pravda la Survireuse. Mais le dessinateur a su s'approprier le style, y ajouter un modernisme très actuel, fait de réalisme et de couleurs qui réchauffent les pages.
Les traits un peu froids de ses visages s'inscrivent parfaitement dans la neutralité clinique avec laquelle le scénario analyse la ville et ses dollars. Ce sont les actions et les points de vue qui apportent leur force et leur dynamique à l'histoire et à la dramatique de la course-poursuite.
Cet album tranche avec la production actuelle. À la fois décalé et en prise avec notre temps, il vaut d'être parcouru.