stephaneg
- le 31/10/2017
La Fin du commencement
Jean-Pierre Dionnet, aujourd'hui soixante-trois ans, est une figure importante du monde de la bande dessinée française, avec sa participation en 1975 à la création de la maison d'édition des Humanoïdes Associés. Ce journaliste, éditeur, producteur et présentateur d'émissions de télévision (Cinéma de Quartier, Le Club...) a également été le scénariste de plusieurs bandes dessinées : Les Armées du conquérant (1977), Arn (1981 à 1988), Exterminateur 17 (2003 à 2008)...
L'ambition sans les moyens
Avec La Fin du commencement, Jean-Pierre Dionnet lance une nouvelle saga, Des Dieux et des hommes, qui comptera de nombreux tomes dont déjà quatre sont programmés pour 2011. Le projet est donc ambitieux, avec des personnages à la hauteur puisque Dionnet met en scène des super-héros tellement héroïques et puissants qu'ils sont de véritables dieux. Le projet est également d'envergure, puisqu'en plaçant pour chaque album l'action dans un lieu différent, à une nouvelle époque et en se concentrant sur un dieu en particulier, le scénariste cherchera à construire un univers fantastique entier. Le terme de mythologie est même employé dans l'argumentaire de la maison d'édition, Dargaud.
Malheureusement, il faudra pouvoir passer l'étape de ce premier tome avant de poursuivre l'aventure. On y trouve en effet des personnages à la psychologie presque inexistante, évoluant sur une Terre où l'homme est une espèce en voie de disparition et où les dieux n'ont donc visiblement rien d'autre à faire que traîner toute la journée dans leurs palais et s'affronter à coups de pouvoirs super-héroïques. La Fin du commencement débute ainsi par un duel entre deux de ces dieux, le Seigneur des mouches – dont les drosophiles de compagnie n'ont aucune utilité dans l'histoire – et le Numéro 1, qui peut contrôler les quatre éléments. Après un combat dénué de toute tension dramatique, agrémenté de dialogues creux, le Seigneur des mouches et le Numéro 1 effectuent une danse dans les airs (puisqu'ils peuvent voler tous les deux) avant de se séparer. Le Seigneur des mouches rentre alors tranquillement chez lui et retrouve sa compagne, la Reine des neiges, pour partir en balade près d'un des dômes où vivent les derniers hommes. Pendant ce temps, leur maison est en partie détruite... C'est tout. Ce scénario, loin de faire palpiter le lecteur, est à cent milles lieux des aventures super-héroïques de dieux vivants qu'il pouvait espérer.
L'album se clôt par un dossier qui renforce l'impression d'inconsistance de l'univers créé par Dionnet. Dix pages dans lesquelles on trouve de faux articles qui expliquent un peu plus en détail ce monde parallèle imaginé par l'auteur et décrivent plus avant les trois dieux mis en scène dans La Fin du commencement ; dix pages que le scénariste aurait peut-être mieux fait d'exploiter pour proposer une histoire plus solide.
Nostalgie, quand tu nous tiens
Différents dessinateurs se succèderont au fil des épisodes de la série. Pour ce premier opus, c'est Laurent Theureau qui a été recruté. Il emploie un style qui n'est pas sans rappeler, en bien moins abouti, celui de Moebius (qui est d'ailleurs remercié par Theureau au début de la BD). En évoquant ainsi certaines heures glorieuses de la bande dessinée de science-fiction, à savoir celles du magazine Métal Hurlant, les auteurs essaient d'attirer le chaland, mais il n'est pas aisé d'égaler Jean Giraud, et Theureau s'en sort tout juste dans son entreprise hasardeuse. Il ne réussit en tout cas pas à susciter une quelconque nostalgie pour des sagas et des personnages de bandes dessinées aujourd'hui devenues mythiques.
Des Dieux et des hommes est donc une saga qui débute de façon particulièrement décevante. On a peine à croire que le projet de Jean-Pierre Dionnet puisse aboutir s'il n'insuffle pas plus de force à ses scénarios, de personnalité à ses protagonistes et de profondeur et de retentissements aux événements qu'il nous décrira, en somme s'il ne signe pas des albums de plus grande qualité. Le changement de dessinateur pour chaque opus ne permet pas non plus d'être rassuré. Que donneront les prochains albums, auxquels devraient participer Danijel Zezelj (Nekropolis), Roberto Baldazzini (auteur de BD érotiques) et d'autres auteurs plus ou moins célèbres ? Sans doute pas une identité graphique propre à la série, mais peut-être autre chose qu'un succédané de Moebius qui permettra de lui donner un véritable cachet. L'avenir proche nous en dira plus...