Brigade des crimes imaginaires

Daniel Nayeri est né en Iran et a passé deux années comme réfugié en Italie avant d'immigrer aux Etats-Unis, à l'âge de huit ans. Avant de devenir auteur, il a été bibliothécaire ou encore pâtissier. En parallèle de sa carrière d'écrivain, il est également scénariste et éditeur numérique chez Hougton Mifflin Harcourt. Brigade des crimes imaginaires est son premier livre, un recueil de quatre longues nouvelles.

 

 

"Brigade des crimes imaginaires" : New York, une certaine époque. Saul fait partie d'une brigade de flics bien particulière : il doit empêcher les mauvais voeux de se réaliser. Avec son partenaire Ari, un poisson rouge, et la flamboyante irlandaise Mack, il est chargé d'une mission de routine : faire en sorte que la famille du petit Randy ne se fasse pas assassiner, suite au souhait inconsidéré du fiston. Evidemment, rien ne va se dérouler comme prévu...

 

"Duel à Toy Farm" : la ferme où travaille Sunny, l'épouvantail, n'a rien d'ordinaire : on y cultive des jouets. Un jour, un étranger se présente, une espèce de géant mexicain, un magicien selon ses dires, et cherchant du travail. Au même moment, les premiers cadavres de jouets sont retrouvés.. Coïncidence ?

 

"Notre-Dame des traîtres" : le virtuel a pris le pas sur le réel. Désormais, grâce à des nano-machines, les moindres de vos envies peuvent prendre forme, tant que votre compte en banque le permet. Mais à quel prix ? C'est ce que Jane et Boomer risquent de découvrir, au péril de leur vie...

 

"Coco et Cloclo" : il n'est pas facile tous les jours d'être la Mort... Heureusement qu'entre les préjugés, la paperasse administrative et les erreurs d'enlèvement, il reste un peu de temps pour assister à la rencontre fatale entre une belle au bois dormant et son promis.

 

 

Inutile de chercher une ligne directrice entre les quatre nouvelles qui composent ce livre atypique, il n'y en a pas... Ou plutôt si : une réécriture personnelle et souvent décalée de genres vu et revus. Et dans l'ordre : polar hard-boiled, western, science fiction et conte de fées. Pour mieux apprécier ce recueil, mieux vaut laisser ses préjugés au placard car l'auteur s'amuse à nous surprendre régulièrement : duel entre un épouvantail et un grand méchant, poisson rouge et troll en guise de policiers, Mort dotée d'un sacré sens de l'humour (une cousine éloignée de celle de Terry Pratchett à n'en pas douter...).

 

Les références à la pop-culture sont nombreuses et assumées. Ne me dites pas que cette histoire de ferme à jouets ne vous fait pas penser à Toy Story ? On s'amuse, tout au long du livre, à rechercher ces fameuses références et à se régaler de la réappropriation qu'en fait l'auteur. Car c'est indéniable : ce qui fait la force de ce roman, c'est cette réécriture personnelle de classiques de notre culture, un mélange de références piochées un peu partout donnant des histoires hautement divertissantes mais ne tombant jamais dans la facilité. Nous sommes en terrain familier : les situations sont presque des clichés mais il y a toujours un détail pour faire la différence, que ce soit un personnage, une réaction, une réplique. Et la réflexion - sur notre monde, sur nous-mêmes, sur les autres - n'est jamais bien loin, même si le format ne se prête guère à de grandes interrogations métaphysiques. Le but n'est pas là, de toute manière.

 

Univers décalés, dialogues percutants, écriture précise et savoureuse - ah, les extraits du journal intime de Jane, tout en langage SMS et smileys ! -, tous les ingrédients sont réunis : on sent que l'auteur s'est beaucoup amusé à jouer avec les codes de ces genres. Seul bémol, la brièveté des nouvelles, leur lecture entraîne en effet son lot de questions : pourquoi ce fermier fait-il pousser des jouets, et comment ? Qu'est-ce qui se cache derrière la vraie nature de Mack, la jolie policière ? Certaines histoires donnent l'impression de n'être qu'une introduction, une mise en place en attendant de plus grandes péripéties.

 

Brigade des crimes imaginaires est une lecture légère, divertissante, qui n'a pas d'autre prétention que de nous faire passer un très bon moment. Pari réussi.