La route de Haut-Safran
Après une carrière d’une vingtaine d’années dans le cinéma, Jasper Fforde réalise son rêve de devenir écrivain grâce au succès de son premier roman,
L’Affaire Jane Eyre. Il a écrit depuis plusieurs séries et poursuit l’aventure avec la
Tyrannie de l’arc-en-ciel.
Une société rétrograde, hiérarchisée selon les couleurs de l’arc-en-ciel
La Chromocratie est une société organisée selon la perception des couleurs. Les Gris, qui ne perçoivent aucune couleur, sont en bas de l’échelle sociale, puis viennent les Rouges, les Oranges, et ainsi de suite. Partant du principe que les inventions des civilisations antérieures pervertissaient les mœurs, il a été décidé de procéder à des « Bonds en arrière », qui consistaient à interdire tout objet né des avancées technologiques.
Edward Rousseau est un jeune homme naïf et inventif. Appartenant à la caste des Rouges, fiancé à une jeune fille de bonne famille, sa vie semble toute tracée jusqu’au jour où il est envoyé dans les Franges Extérieures, à Carmin-Est, pour un recensement de chaises. Habitué à évoluer dans un monde protégé, il va vite découvrir que les règles ne sont pas les mêmes aux frontières du monde civilisé. Il va devoir faire des choix, notamment en termes de fréquentations. Tout aurait sûrement bien pu se passer pour lui, mais c’était sans compter sa fascination pour Jane, une jeune Grise mystérieuse, aux manières brusques et au caractère révolutionnaire.
Quand la quête de vérité menace l’ordre établi…
L’immersion dans ce roman est assez difficile au début, vu que l’auteur utilise tout de suite le vocabulaire de son monde, les noms des lieux, le contexte social… De plus, les premiers événements peuvent sembler loufoques, voire absurdes. Il faut réussir à accepter de ne pas tout comprendre, et se laisser porter dans cet univers déjanté.
Une fois les premières difficultés passées, on est totalement happé par le rythme de la narration. L’intrigue se densifie, se complexifie. Le héros, passif et naïf au début, se lance dans une quête initiatique vers la vérité. On assiste à son passage de l’innocence enfantine, à la dure réalité de la vie adulte, ponctuée de corruption, meurtres, manœuvres sournoises, mensonges, tromperies, cynisme…
Le héros évolue dans un monde futuriste rétrograde qui refuse toutes les avancées technologiques, qui fait l’apologie de l’ignorance et de la passivité. Cet univers loufoque et original séduit, par sa cohérence et sa construction. On y croise également des personnages complexes, défendant leur propre intérêt, sans manichéisme. Au fur et à mesure, on distingue plusieurs mouvements : ceux qui sont prêts à remettre en question l’ordre établi, au nom de la vérité, ceux qui veulent conserver le mode de société actuel car ils y trouvent leur intérêt, ceux qui s’adaptent à tous les changements, du moment qu’ils restent gagnants…
En conclusion, si le début de l’aventure semble compliqué à suivre, difficile de ne pas succomber au style accrocheur, aux personnages, à l’intrigue et au monde sombre de Jasper Fforde. La fin est si prenante qu’on attend la suite avec impatience.