Manhattan à l'envers

Peter F. Hamilton est un auteur de science fiction britannique, né en 1960. Il commence à écrire en 1987 et vend sa première nouvelle en 1989. Son premier roman, Mindstar, un cyber thriller, paraît en 1993. Peter Hamilton est surtout connu pour ses cycles de space opera gigantesques : L'Aube de la nuit (plus de dix millions de signes) ou encore la saga du Commonwealth suivie de la Trilogie du Vide. Manhattan à l'envers est un recueil de sept nouvelles (dont cinq inédites) qui reprend tous les textes de l'auteur écrit depuis 1998.

 

 

"En regardant pousser les arbres" : Angleterre, 1832. Le monde a divergé du nôtre durant la Rome antique : outre la technologie bien plus avancée que dans notre réalité, chaque être humain est rattaché à une grande famille et a vu son espérance de vie augmenter considérablement. Résultat : les morts sont rares. Et encore plus toute forme de violence. Edward Buchanan Raleigh doit enquêter sur le meurtre d'un membre de sa famille. La liste des suspects se résume à quelques-uns de ses amis. Mais tous semblent avoir un alibi en béton. Qu'à cela ne tienne : Edward a l'éternité devant lui pour résoudre cette enquête.

 

"Un électorat qui marche" : Royaume-Uni, de nos jours. Un trou de ver vers un nouveau monde a été ouvert et le gouvernement britannique a annoncé qu'il resterait ouvert pendant deux ans, deux ans durant lesquels tous ceux souhaitant traverser le pourraient. Dans cette Angleterre en proie à la crise, où l'émigration de masse a donné un sacré coup à l'économie se joue le destin d'un couple, séparé, et leurs deux enfants. Lui désire traverser. Elle décide d'aller manifester contre cet exode.

 

"Si du premier coup" : David Lanson est inspecteur de police. Quand il est appelé pour enquêter sur un cambriolage, il n'a pas encore idée de la tournure que va prendre sa vie. Car Toby Jenson, le suspect, lui apprend qu'il est à la recherche d'une machine à voyager dans le temps. 

 

"Le Chaton éternel" : Une procédure médicale a été mise au point, permettant à un sujet de rester éternellement au même âge. Problème, cela ne fonctionne pas sur les êtres ayant atteint leur maturation sexuelle. Alors, si ce n'est pas pour lui, pourquoi Joe Gordon a-t-il fait libérer le docteur à l'origine de cette découverte ?

 

"Le Piège à démons" : Paula Myo, la célèbre enquêtrice génétiquement modifiée, est appelée pour une enquêter sur le meurtre de plus de cent personnes, parmi lesquelles des héritiers des Dynasties, ces grandes familles qui règnent sur le Commonwealth. Pourtant, un problème se pose rapidement : le principal suspect, dont l'ADN a été retrouvé non loin de la scène de crime, possède un sérieux alibi : il n'était même pas présent sur la planète quand a eu lieu le massacre.

 

"Manhattan à l'envers" : Sur une planète dont la colonisation vient de commencer, une espèce extraterrestre indigène, pourtant supposée non intelligente, se met à attaquer, sans raison apparente, les colons. Devant ces actes de violence inexpliqués, Paula Myo est envoyée pour enquêter.

 

"Béni par un ange" : Grâce aux biononiques, l'être humain s'est transcendé et a atteint l'immortalité. Seul problème : il faut naître avec ces corps étrangers pour pouvoir devenir un Ange. Mais cette transformation n'est pas au goût de tout le monde. Paul fait partie de ceux qui luttent contre cette branche Haute. Quand il apprend qu'un ange est arrivé dans sa ville, et a passé plusieurs jours en compagnie d'étudiantes, il met tout en oeuvre pour retrouver ces personnes et les empêcher de porter des enfants "infectés".

 

 

A lire ce recueil, on comprend pourquoi l'auteur écrit aussi peu de nouvelles. Non pas que ces textes soient mauvais mais la forme longue est nettement un exercice qui lui convient mieux. Personnages un peu ternes, situations vues et revues, enquêtes expédiées... Les reproches que l'on peut faire à ses nouvelles sont nombreux. 

 

Manipulations génétiques, immortalité, identité, contact avec les extraterrestres... Tous les thèmes classiques de la science fiction sont présents mais n'apportent que peu au genre. Seule la première nouvelle, "En regardant pousser les arbres", tire son épingle du jeu, laissant entrevoir, dans cette enquête s'étalant sur des siècles, le "sense of wonder" tant attendu. Des autres textes, on ne retiendra pas grand-chose : on peine à s'intéresser au drame familial dans "Un électorat qui marche" tant le développement frôle le cliché et manque de profondeur ; "Si du premier coup", qui parle du classique mais toujours fascinant voyage dans le temps, aurait mérité un traitement plus long et autre qu'une simple confession ; les deux enquêtes de Paula Myo auraient, elles aussi, mérité d'être beaucoup plus fouillées, surtout la première, "Le Piège à démons", dont l'écriture éclatée dessert complètement le sujet et empêche l'histoire d'identité partagée d'avoir toute la force qu'elle méritait. Quant à la seconde, "Manhattan à l'envers", elle frise parfois le ridicule et sert clairement de prétexte. Dommage, car le message était intéressant.

 

Au final, le problème de ce recueil, c'est d'en être un. Les nouvelles n'ont rien de honteux et proposent même souvent des idées intéressantes, la plupart du temps mal exploitées. Mais la forme courte ne convient pas du tout à l'auteur, qui s'oblige à des raccourcis que des lecteurs avertis pourront trouver préjudiciables. Même le plaisir de retrouver l'univers du Commonwealth est quelque peu gâché par le traitement des enquêtes de Paula Myo, qui manquent singulièrement de force et où tout s'imbrique un peu trop bien. On ressort de cette lecture un peu frustré, en pensant à ce qu'auraient pu donner certaines des nouvelles avec quelques dizaines de pages en plus.

 

Manhattan à l'envers n'est pas très représentatif du talent de l'auteur. Les lecteurs ayant déjà lu les cycles, forcément plus denses, de Peter F. Hamilton resteront sur leur faim et ne retrouveront pas ce qui fait la patte de l'auteur, ce foisonnement de personnages atypiques, de lieux exotiques et de situations incroyables. Les habitués de la science fiction risquent également d'être déçus par le manque d'ambition des textes, souvent anecdotiques. Mais le recueil reste une bonne porte d'entrée pour ceux découvrant le genre, par la clarté du récit et le classicisme des thèmes proposés.