Dimension super-pouvoirs
Dans la lignée de ses deux récents volumes consacrés aux super-héros, la collection Rivière Blanche nous propose une anthologie sur les super-pouvoirs. Présenté par
Jean-Marc Lainé, fin connaisseur en la matière et auteur de plusieurs études sur les comics américains, ce recueil réunit une dizaine d'écrivains qui possèdent la particularité d'être présents dans toutes les cases du monde de la bande dessinée : dessinateurs, éditeurs, scénaristes, traducteurs... Bien connus ou plus discrets, ils nous convient à une belle exploration de quelques-unes des facettes d'un thème fascinant dans une anthologie qui nous rappelle que l'exercice d'un pouvoir, qu'il soit super ou non, pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses...
L'abus de pouvoir nuit gravement à la bonté.
Après une brève introduction qui pose les principaux jalons historiques de la science-fiction relatifs à la question des super-pouvoirs, nous entrons dans le vif du sujet. Si Dimension super-pouvoirs se détache des deux tomes de Dimension super-héros, c'est d'abord par la constatation que la possession de facultés extraordinaires est loin de suffire pour donner naissance à un héros authentiquement désintéressé. Cette nuance vient à point nommé pour nous rappeler que, comme l'a souvent dit notre tisseur de toile favori : « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ». C'est cet aspect particulièrement important du thème qu'abordent les nouvelles d'Olivier Peru, Franck Jammes et Patrice Lesparre, en portant un regard sans illusions sur le côté obscur des forces de l'ordre. Mais à quoi bon posséder le pouvoir si on ne l'utilise pas pour vaincre ? Rééquilibrer les forces en présence et donner leur chance aux plus faibles, voilà un des axes selon lesquels on peut envisager de lire Blanc comme neige, histoire de la résistance d'une tribu afghane contre les vicissitudes de l'histoire, ou Papa, une nouvelle aussi courte que provocante mettant en scène un enfant aux prises avec l'horreur.
Prendre la fuite, le super-pouvoir le plus efficace !
Curieusement, les histoires de super-pouvoirs semblent souvent impliquer que la puissance ne pourrait s'exprimer que par la violence. C'est évidemment loin d'être toujours le cas, surtout lorsque le pouvoir exercé ne possède que des applications triviales. C'est ce qu'illustre avec un soupçon de cynisme Ben KG dans L'effet Van Beck. La manière d'utiliser des facultés hors du commun ne se matérialise donc pas forcément avec agressivité, la fuite est bien souvent une option préférable. Les nouvelles d'André-François Ruaud et Jean-Marc Lainé rétablissent l'équilibre en introduisant une note d'espoir, toutes deux jouant avec le pouvoir d'échapper à une réalité impitoyable pour gagner un ailleurs qui semble toujours plus riche de promesses que l'ici... La réalité se révèle en effet parfois difficile à vivre au quotidien pour les détenteurs de certains talents particuliers, comme pour le héros d'Alex Nokolavitch, qui a du mal à assumer le sien. Reste les nouvelles d'Hervé Graizon qui encadrent cette anthologie et semblent également porteuses d'étranges promesses.
Dimension super-pouvoirs constitue un ensemble cohérent de textes à la fois agréables et variés, dont le fond est rehaussé pour chacun d'entre eux par une présentation de Jean-Marc Lainé qui nous rappelle s'il en était besoin que les littératures de l'imaginaire ne se laissent pas facilement réduire à la dimension d'un divertissement futile, mais nous incitent aussi à mettre en œuvre ce qui constitue le plus grand des super-pouvoirs de l'humanité : notre cerveau.