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Ô Nation sans pudeur

Philip K. Dick ( Auteur), Hélène Collon (Traducteur), Daniel Tron (Postface)
Aux éditions : 
Date de parution : 04/06/14  -  Livre
ISBN : 9782290033814
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Benjamin   - le 31/10/2017

Ô Nation sans pudeur

Sorti il y a 20 ans aux USA (1994), traduit et édité en France il y a deux ans, réédité en juin dernier dans la présente édition J’ai lu, pour les petites poches, et écrit en 1949 : Ô Nation sans pudeur (Gather Yourself Together, qu’on aurait dû traduire par « Réunissez-vous ensemble ») serait le premier livre de Philip K. Dick. La postface d’un spécialiste français dickien annonce : « Ce premier roman de Dick n’est pas un roman de Dick. Tout lecteur de Dick pourrait croire à un simulacre ou à une usurpation. » Explorons le thème.
 
Faire d’un no man’s land un huis clos
 
Une entreprise rentre au bercail et laisse trois Américains rendre les clés du bâtiment au nouveau propriétaire : la République populaire de Chine. Cette mise en situation offre un huis clos assez sophistiqué, zigzaguant entre Le Désert des Tartares de Buzzati et Les Liaisons dangereuses de Laclos, avec ce trio de la femme et ces deux anciens amants. Déjà la trame pour un premier roman est assez complexe est riche, surtout que maîtrisée : en plus le livre possède en soi les thèmes qui feront dans une vingtaine d’années l’intérêt de Dick : tentative de percer le mutisme du dialogue homme-femme, maîtrise des thèmes philosophiques, des ambiances géopolitiques, des discussions culturelles (cette fois, le jazz), et une facilité pour nous faire appréhender différemment le réel, souvent en le décalant, au détour d’une flânerie jamais innocente. Le tout fait de sa spécialité, la condition humaine. Ô Nation sans pudeur est le discret purgatoire de la sienne : lieu de passage entre deux états, dialogues introspectifs en guise de confession, hors des empreintes de pensée d’un temps ou d’une morale en particulier. 
 
Trop Vrai Roman
 
Dick a fini avec une crise mystique et un coma inopiné que ses fans s’expliquent à mots couverts. Il disait à Stanilas Lem : « Tout est en toc ici en Californie. Si Dieu venait à se manifester il le ferait à travers un vaporisateur dans une publicité ». Cela marque la drôlerie des esprits américains balancés entre grande foi religieuse et rationalisme économique parfaitement exécuté, le désœuvrement de l’un n’empêchant pas la manifestation de l’autre ; mais cette citation marque surtout le désabusement du monde moderne : un miracle peut passer inaperçu pris dans l’engrenage de la systématisation. Il s’était fait expert en miracle.
La longueur du texte se rapproche d’un roman mainstream de l’auteur et aurait pu gagner en efficacité, comme il sut le faire plus tard, avec des romans courts et condensés. Ses thématiques, déjà aimées par beaucoup, sont devenues celles de notre époque.

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