Akiloë ou le souffle de la forêt

 

Né en 1928, Philippe Curval a publié ses premiers romans de science-fiction dans les années soixante au Rayon fantastique (signalons Le Ressac de l’espace en 1962) et a tracé son sillon, sans être jamais récupéré par les modes. En 1977, il remporte le prix Apollo avec Cette chère humanité, fascinante anticipation sur le devenir d’un continent européen unifié. Car Curval est l’incarnation même d’une science-fiction francophone spéculant sur le devenir des sociétés humaines avec humanisme et distanciation. Il est aujourd’hui édité par La Volte qui a publié un recueil de nouvelles (L’homme qui s’arrêta) et un roman (Juste à temps). Akiloë est une reprise d’un roman paru initialement en 1988 chez Flammarion à l’initiative de Françoise Verny (grande dame de l’édition française), que l’auteur a semble-t-il considérablement remanié. Pour quel résultat ?

 

 

Enfant, l’Indien guyanais Wayana Akiloë, seul survivant de sa tribu, est recueilli par une institutrice européenne, Clarisse. Celle-ci enseigne à ce jeune indien pétri de sa cosmologie les rudiments de la culture européenne, Akiloë apprend, entouré de ses camarades mais reste profondément un wayana. Malgré (ou à cause ?) de l’affection de Clarisse, il s’enfuit lorsqu’on lui annonce qu’il va être placé en pension et tombe au bout de pas mal de pérégrinations sur Dobcewski, un colon d’origine polonaise, veuf très original, qui décide au final de l’adopter. Akiloë apprend sur le tas la cuisine et la physique quantique. Au loin, les premières fusées Ariane décollent et Akiloë, l’enfant de la forêt, rêve d’ailleurs au moment son père adoptif s’affaiblit et où il rencontre Anaïs qui est liée aux milieux indépendantistes…

 

 

Comme chacun le sait, la caractéristique principale de l’espèce humaine est sa capacité d’adaptation : Akiloë ou le souffle de la forêt ne parle que de ça. Comment un jeune Indien, seul survivant de sa tribu, peut réussir à s’adapter au monde moderne et européen, au point d’envisager de devenir cosmonaute ? Curval a livré ici un roman complexe, sauvage (il faut plus d’une lecture pour bien le comprendre) dont un des sujets est aujourd’hui d’une importance cruciale : le métissage culturel. Car le jeune homme qui rêve de l'espace voit au fil du livre son identité se transformer : il n'est plus tout à fait indien et ne sera jamais complètement un Européen. Lecteur,  tu dois redécouvrir Akiloë ou le souffle de la forêt.