fredcombo
- le 27/09/2018
Magies secrètes
Souvent associé au courant steampunk français, Hervé Jubert lui a donné une touche très personnelle en optant pour une approche résolument tournée vers la fantasy urbaine. Son style dynamique et primesautier, des situations rocambolesques et une érudition des plus insolites donnent à ses romans un charme bien particulier. Habitué des trilogies, il a notamment écrit celle qui met en scène Blanche Paichain, la jeune nièce d'un commissaire de police pendant la guerre de 1870, ou encore la trilogie Roberta Morgenstein. Parfois destinés au départ à des collections pour la jeunesse, il n'est pas rare que ses livres soient réédités pour tous publics, ce qui est tout à fait justifié à la lecture de récits qui possèdent un indéniable côté sombre. Fin connaisseur de la capitale qu'il a sillonnée lorsqu'il y exerçait la profession de coursier, il réorganise et réinterprète Paris, avec Magies secrètes, une réécriture de son premier livre, Le roi sans visage. Ce roman au rythme endiablé inaugure la trilogie des aventures de Georges Beauregard et a obtenu le Grand Prix de l'Imaginaire en 2013.
Du rififi chez les feys...
Jeune et élégant mage-ingénieur, Georges Hercule Bélisaire Beauregard travaille occasionnellement pour le ministère des Affaires étranges. Cette fois, Sequana est menacée. Le baron Hoffmann y a entrepris des travaux qui saccagent les plus anciens quartiers féeriques pour y tracer un nouveau plan urbain et un criminel vient d'enlever le Prince Udolphe, fils de l'Empereur Obéron III. Dans cette ville où le monde des Feys rencontre et se mêle à celui des hommes, Beauregard se verra chargé par l'Impératrice Titania de le retrouver, une mission qu'il est condamné à réussir... Heureusement, il possède un certain nombre d'atouts, en particulier son ami Albert, l'alchimiste érudit, Condé, un serviteur mécanique et néanmoins sentimental, ainsi que la mystérieuse Jeanne, une jeune fille presque insolente qu'il vient de recueillir dans le refuge pour Sans Domicile Féerique qu'il dirige...
Entre Grand Guignol et Comedia dell'arte.
Il ne manque pas de charme, ce Paris magique peuplé de feys lubriques et de bretteurs susceptibles. Avec beaucoup d'humour, Hervé Jubert parvient à immerger le lecteur dans un univers qui ressemble plus à celui de François Vidocq qu'à celui de Sherlock Holmes que nous promettait la quatrième de couverture. Les références abondent, du Songe d'une nuit d'été au spectre de Gérard de Nerval, et la magie est présente à chaque ligne. Presque steampunk (encore une promesse de la quatrième de couv'), la vapeur y est avantageusement remplacée par la poudre de fey. Si les taudis et le crime sont présents, la plume légère de l'auteur parvient sans peine à en estomper l'aspect glauque, et quelques horreurs en deviennent même drôles. En extrapolant un peu, il est même possible de distinguer la présence d'un message écologique lorsqu'il est question de la destruction des ressources féeriques par un baron Hoffmann obsédé par une urbanisation outrancière. Côté action, le lecteur est plutôt gâté, en particulier par la mémorable course-poursuite finale sur la crête qui joint les pentes du n'importe-quoi et du parfaitement logique, où l'auteur parvient de justesse à réaliser l'exploit consistant à éviter de tomber d'un côté ou de l'autre. La présence d'un grand nombre de notes de bas de page surprend un peu, cependant, mais constitue néanmoins un recueil de faits divers des plus pittoresques, comme ceux qui sont rapportés sur le site internet consacré à la série. On trouvera également en fin de volume un guide des curiosités Sequanes, indispensable pour les promeneurs. Quelques belles trouvailles et le souvenir d'avoir lu un roman amusant et agréablement léger font augurer du meilleur pour la suite des aventures de Georges Beauregard.