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Cinq cadavres sur le pavé

Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 26/04/17  -  BD
ISBN : 9782756065632
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claire   - le 27/09/2018

Cinq cadavres sur le pavé

Olivier Milhiet, dessinateur de BD et son propre scénariste

Olivier Milhiet est un dessinateur et scénariste de BD français qui a rapidement su qu’il voulait faire du dessin son métier. Admirateur d’Astérix, Tintin, Lucky Luke quand il était petit, il a cinq ans lorsqu’une institutrice de maternelle lui assène que son propre enfant de trois ans colorie mieux que lui… Comme pour prendre sa revanche, il passe plus tard un baccalauréat A3 dessin puis intègre une école d’arts graphiques. Il commence à se faire connaître avec la bande-dessinée Spoogue, un univers de fantasy assez délirant qu’il publie chez Delcourt dès 2001 et dont il est à la fois le dessinateur et le scénariste. Il publie ensuite Caravane avec des personnages plus « humains », un univers plus grave et réaliste.  Il est également le dessinateur de la bande-dessinée Aniss. Au printemps 2017, il publie le premier tome d’une nouvelle série Venosa, dont il est à nouveau le scénariste et le dessinateur. Il aimerait également travailler sur un jeu vidéo.

Il a pour habitude de travailler en solo, avec les avantages et les inconvénients que cela comporte (liberté de création ; motivation, prise de recul, rythme des parutions…). Son parcours, mouvementé mais toujours organisé autour du dessin rappelle que les étapes nécessaires à la création d’une bande-dessinée sont longues et difficiles, et qu’il n’est pas aisé de vivre de l’œuvre publiée.

Dans Spoogue et Venosa, Olivier Milhiet renoue avec un style d’univers fantasy délirant, teinté d’une touche de gore. Avant même d’ouvrir une page, une chose est sûre, le dessinateur de Spoogue a un sens certain de la couverture qui claque !

« Capitale de la drogue et des poisons »

Venosa, ville cosmopolite où circulent boissons et substances pas très nettes : le roi Jaranis tente d’assiéger la ville fortifiée pendant qu’à l’intérieur, la population commence vraiment à délirer. Tout commence par un vol qui finit mal : la cargaison s’avère magique et transforme subitement une main en pied... La guilde des voleurs, qui n'a pas apprécié la plaisanterie, part à la recherche du responsable, mais elle n’a simplement pas réfléchi à certains détails.
 
Le régent de la ville, lui, se remue mufle et cornes pour ne pas perdre la guerre. Le maître de police Gargarine enquête sur la folie meurtrière qui touche jusqu’au tavernier du coin. A portée de catapulte, derrière les remparts, la fille du roi Jaranis serre les draps de son lit-prison en grinçant comme une princesse sevrée. Parmi tous ces lascars à face d’animaux, ces lames qui tranchent et ces pavés rouges, ça bouge mais c’est pas gagné.
 
De l’inventivité, des couleurs : une Venosa délirante mais encore assez confuse
 
Il faut louer la richesse et l'esthétique de la couverture. Olivier Milhiet réussit l’exploit assez fascinant de caser, en première et quatrième de couverture, les mots « cadavre », « poisons », « drogues », le dessin des principaux personnages (dont l’un caché en arrière-plan en plein milieu), leurs bestiaux, une série de pavés et même quelques champignons.

Quand on commence à tourner les pages, Venosa, c’est d’abord une galerie de personnages : le roi Jaranis et sa fille en manque d’opalium, un homme-taureau pour régent, le maître de police Gargarine, un voleur au nez de chat du nom d’Epine, un magicien avec un diable de canidé qui mord tout ce qui bouge trop, une galerie de passants à la trogne d’inspiration zoologique. Il n’est en effet pas rare de croiser des hommes-crocodiles, des hommes-biquettes, un colosse à tête de chien ou encore une grosse limace de transport. Un univers haut en couleurs avec prédominance de flaques rouges, à se demander si le scénariste-dessinateur ne s’est pas inoculé lui-même un peu d’opalium.
 
Quand on plonge plus profondément dans l’histoire, le sentiment est un peu plus mitigé. Les rebondissements y sont très rapides, quantité de personnages oblige, et assez faciles. Cinq cadavres sur le pavé n’est, bien sûr, qu’un premier tome, les intrigues attendent d’être éclaircies et de se ramifier dans le second. Trois pistes semblent d'ailleurs prometteuses : le dessous de la bouteille de cette histoire de délires sanguinaires, le futur immédiat de Neige, les motivations du magicien nettoyeur d’estomacs.
 
Une remarque formelle : aucune cartouche, aucune indication de lieu, aucun commentaire qui préciserait le contexte, les personnages peuvent être difficiles à situer les uns par rapport aux autres, l’enchaînement rapide des scènes (et l’action condensée) donnent alors une impression de confusion et d’éventuel patchwork. On notera aussi de légers soucis de dosage, entre ce qui importe pour l’intrigue et ce qui ne vise que le bon plaisir du lecteur : la première fois que deux-trois gaillards sont pris d’une folie meurtrière par exemple, l’« anomalie » peut être prise pour une simple plaisanterie gratuite de la part du scénariste (et la suivante ne paraît pas si marquante).
 
Le tout est servi par un humour constant, qui aurait mérité d’être plus coloré, plus travaillé et plus frappant, pour faire vraiment mouche. Le ton ne constitue qu’un arrière-fond agréable.

On saluera la présence de détails sympathiques, comme un monstre marin qui sort des douves pour essayer de gober un oiseau, la présence d’une femme dans un lit visible seulement par le lecteur, une statue grimaçante en bordure d’une grande allée, l’utilisation d’un chat qui lape du sang pour sous-entendre le carnage d’une exécution… Sans oublier les pages de garde composées d’une grande fresque et d’un protagoniste à l’expression amusante.

Les dessins
 
Un petit hic : les dessins ne sont pas tous égaux. Sur la couverture, les traits des personnages sont beaucoup plus précis et réguliers qu’à l’intérieur de la BD. Sur les planches, certains sont physiquement moins réussis que d’autres, Epine par exemple, avec son visage et ses cheveux un peu grossiers. Les visages changent parfois au cours des pages (le roi Jaranis, Epine…).
 
En revanche les grandes cases des décors sont superbes, précises, avec une belle harmonie de couleurs. On remarquera également des angles de vue bien pensés et un usage assez particulier des perspectives. Au lieu d’être tout à fait droits, certains bâtiments et personnages sont excessivement inclinés. L’effet produit est apprécié, la posture de certains gagne en autorité et en majesté. On saluera aussi le choix de couleurs d’Olivier Milhiet et de sa coloriste Albertine Ralenti : les scènes sont chacune caractérisées par une unité de tons qui leur donne une atmosphère particulière.

Mention spéciale pour les gardes du corps de Gargarine, au port très élégant et à la tunique aux nobles tons violets. Le régent-taureau de Venosa a également une belle prestance.

Si vous aimez la boisson, les tons rouges, les crayons magiques et les grimaces, campez donc sous les remparts de Venosa, il y aura toujours de la place.

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