Mes vrais enfants

Mes vrais enfants

Une autrice qui sort de sa zone de confort

Jo Walton est une autrice britannique de Science-Fiction et de Fantasy. Connue pour plusieurs œuvres – dont notamment les Griffes et les Crocs (prix World Fantasy meilleur roman 2004) et Morwenna (prix Hugo meilleur roman 2012) -, elle signe ici un ouvrage de Science-Fiction uchronique différent de ses ouvrages habituels avec Mes vrais enfants.

Un Alzheimer uchronique

Confuse dans sa maison de retraite, Patricia Cowan n’arrive pas à distinguer la réalité entre deux vies qu’elle aurait vécu : dans l’une de ces existences elle a épousé Marck, dans l’autre elle a refusé et a construit sa vie avec Béatrice. Elle a eu des enfants dans ces deux vies, qu’elle aime plus que tout au monde. Lesquels sont les vrais ? Et quelle Histoire est la vraie aussi ? Car Patricia se souvient aussi de deux mondes distincts, deux mondes prenant des voies différentes durant la guerre froide, avec parfois de terribles conséquences.

Voyage à travers l’Angleterre féministe du siècle passé

Avant d’être une uchronie, ce livre est surtout une ode aux victoires féministes du siècle passé. Dans sa première vie, celle où elle épouse Marck, Patricia subit violemment sa vie de couple : mère élevant seule ses enfants, de (très) nombreuses fausses couches, un mari violent et absent, etc. Dans son autre vie, où elle est clairement plus heureuse, Patricia se découvre homosexuelle, travaille, apprend à conduire, découvre le monde…

Ces deux vies sont brillamment décrites et précisées par l’autrice qui fait un travail formidable pour répondre à la question « Et si Patricia avait répondu autrement à cette demande en mariage ? ».

Outre l’aspect féministe du livre il y a aussi, en filigrane, une réflexion sur une uchronie plus large avec une guerre froide bien plus violente dans la seconde vie de Patricia que dans la première. Globalement, dans sa vie avec Marck, l’Histoire suit le cours qu’on lui connait à une ou deux exceptions près ; et dans son autre vie le monde rentre dans une guerre nucléaire globale, avec des offensives nucléaires à Miami, Kiev, Delhi, etc.

La bifurcation uchronique n’est qu’un prétexte pour introduire des changements dans la vie de Patricia. Cependant, ce roman est brillant dans le fait que malgré les initiatives des deux Patricia pour la paix et la dénucléarisation, leurs actions ne semblent pas avoir d’impacts particulièrement importants, illustrant à merveille le dépit du militantisme de ce début de siècle.

Le style d’écriture est très fluide, et le roman se lit très vite.

Ce roman explore une multitude de concepts fascinants : le rapport à la mémoire, l’impact que l’on peut avoir sur le monde, l’importance des luttes féministes, ainsi que le fantasme de connaître la vie que l’on aurait pu avoir si l’on avait choisi une autre voie un moment dans sa vie.

En conclusion : je vous le conseille vivement !