Miss Waters

Miss Waters

Présenter H. G. Wells à un amateur de science-fiction revient un peu à expliquer comment faire bouillir une casserole d’eau à un chef étoilé. L’auteur de La guerre des Mondes, La machine à explorer le temps et L’homme invisible, pour ne citer que trois de ses chefs-d’œuvre, nous fait rêver depuis plus d’un siècle et sans lui, le paysage littéraire actuel serait probablement différent. Mais cet homme remarquable peut encore nous surprendre. Sait-on, par exemple, que Wells s’adonnait au dessin humoristique ? Qu’il fut l’auteur des premiers livres de jeux de stratégie, avec décor et figurines, et qu’il en conçu lui-même plusieurs ? Parmi ses nombreux romans demeurés à l’ombre de ses textes devenus légendaires, on peut encore découvrir de très belles pages, comme celles que l’on trouvera entre les plats de couverture de Miss Waters…

Changer de siècle comme on entre dans un nouveau monde…

En l’an 1900, à Sandgate, une ville balnéaire sur les côtes du Kent, une jeune femme est sauvée de la noyade par Fred Bunting, le fils d’une famille aisée. Spontanément adoptée par Madame Bunting mère, on s’apercevra rapidement que la jeune femme, à la place d’une paire de jambes, possède une queue semblable à celle d’un hareng et que sa noyade simulée n’était destinée qu’à lui assurer une entrée au sein de la bonne société. Bientôt munie d’un fauteuil roulant destiné à dissimuler sa véritable nature, Miss Waters charme son entourage par ses qualités sans apprêts et sa très grande beauté. Tout se déroule à merveille jusqu’au moment où le fiancé de l’une des filles Bunting vient passer le week-end à Sandgate avec sa future épouse. La sirène n’est-elle finalement qu’une vulgaire tentatrice ? Parviendra-t-on à éviter le scandale ? Reprendra-t-elle un jour le chemin des fonds marins ?

Il y a d’autres rêves…

Avec cet ouvrage, Wells abandonne quelque peu la science pour la fiction et en profite pour se livrer à bon nombre de réflexions aussi désabusées qu’intemporelles sur le monde de la politique, la société de son temps et les conventions plus ou moins guindées qui y ont cours. « Il y a d’autres rêves », répète souvent Miss Waters, sans expliquer précisément quel sens elle donne à cette remarque. Est-ce simplement une incitation à se libérer du carcan des règles, parfois trop strictes, de la bienséance, ou une invitation à désirer sans limites, quitte à bouleverser l’ordre établi et survivre dans un monde plus chaotique et parfois immoral ? Herbert Georges Wells se garde bien de donner une réponse et laisse aux lecteurs toute latitude pour rêver, aux sirènes ou à d’autres… Notre Grand Ancien de la science-fiction démontre, avec ce court roman, qu’il savait aussi être drôle, car le livre abonde en situations cocasses, phrases assassines et personnages délibérément caricaturaux. C’est là une excellente occasion de découvrir une autre facette du talent de l’auteur de La guerre des mondes…