Un grand roman avec des aliens et des voyages dans l’espace, ce n’est pas si souvent à la Volte. Avec Philippe Curval on ne peut que s’attendre à être pris à contre-pied.
Si les Txalqs sont une race supérieurement développée, leur physique sphérique pourvu de huit minuscules tentacules ne leur permet pas de se déplacer facilement. Pour cela, ils utilisent des hôtes dont ils maîtrisent l’esprit, mais ceux-ci dépérissent. Aussi faut-il migrer. Drossé par un ressac de l’espace, l’élu va aboutir sur Terre et s’y reproduire par scissiparité. Son but ? Une quête de beauté et de perfection intellectuelle que les siens poursuivent depuis des millénaires de planète en planète. Afin d’organiser une société harmonieuse, les Txalqs vont prendre possession des humains par télépathie.
Alors que l’immense majorité goûte le plaisir, physique et mental, d’être dirigée, seuls quelques individus résistent. Les résistants, qui se réfugieront sur Vénus, auront à choisir entre s’implanter ailleurs dans les étoiles ou tenter de sauver les Terriens.
Les lecteurs peuvent être tour à tour partagés entre les deux partis : vaut-il mieux préserver sa liberté absolue au sein d’une humanité inconséquente et incapable d’évoluer ? Ou bien estimer finalement que ce n’est peut-être pas si mal d’abandonner son libre-arbitre pour participer à l’édification d’une grandiose harmonie ? Le dénouement sera inattendu.
La sujétion volontaire
L’humanité, après avoir survécu aux embrasements des guerres nucléaires, s’est élancée à la conquête du système solaire. Un vaisseau d’exploration dirigé par le commandant d’Estang découvre un autre vaisseau, extraterrestre. A son bord un extraterrestre de la race des Txalq, Linxel, plongé en hibernation. Il ne paie pas de mine, avec son corps sphérique et ses huit petits tentacules. Mais Linxel est télépathe, capable de maîtriser l’esprit d’étrangers à son espèce. Il découvre dans les terriens des proies fascinantes, peut-être même des collaborateurs. Car Linxel est un idéaliste qui veut créer un monde de beauté et de perfection. Linxel s’échappe, se reproduit. Le contrôle mental des Txalqs apportant la paix et l’harmonie à ses esclaves, la majorité des humains choisit finalement de vivre dans l’utopie proposée par les Txalqs. Ils ne sont que quelques-uns à résister, partant sur Vénus. Mais vont-ils revenir délivrer la Terre et l’humanité (qui n’en a guère envie) ?
Un classique de la science-fiction signé Curval
Paru en 1962, Le Ressac de l’espace est la première œuvre marquante de Philippe Curval et détonne largement par rapport aux canons du genre. Ici, nous avons des aliens à l’aspect peu effrayant, fragile même, qui ne sont pas foncièrement mauvais. Ils proposent en quelque sorte à l’humanité une espèce de fusion et la création d’un monde nouveau : ne serait-ce pas une nouvelle étape de l’évolution ? Curval refuse aussi de donner à son dénouement une coloration trop violente (je vous laisse le lire). On s’amuse aussi, surtout quand on a en tête le puritanisme des romans américains de l’époque, devant la place donnée à l’érotisme amoureux dans ce roman. Au final, Le Ressac de l’espace, revu et corrigé par son auteur, a plutôt bien vieilli.
Sylvain Bonnet