Il y a d’abord eu la puanteur qui a brutalement remplacé la brise parfumée soufflant habituellement sur la vallée des êtres fourmis, ces hommes de quelques millimètres de haut vivant dans les sous-bois. Puis la maladie du Bacille s’est répandue comme une traînée de poudre, n’épargnant aucun village, endeuillant chaque foyer. C’est au paroxysme de l’épidémie qu’ils sont apparus, immenses, salvateurs, divins : les êtres montagnes ont donné l’antidote au Prieur Armillaire et ont ainsi sauvé son peuple. Tout le monde connaît cette légende, y compris Myco et sa petite sœur, Paille, qui ont perdu leurs parents dans cette tragédie… Et l’austère Prieur, désormais chef du village des Champignons, s’assure que personne ne l’oublie et que tout un chacun honore dûment les êtres montagnes.
Alors, quand un étranger, portant un masque doté d’un long bec d’oiseau, arrive au village et annonce que la maladie est de retour, personne ne veut le croire. Mais Myco, qui voit des premiers stigmates apparaître sur la peau de sa sœur, décide, contre l’avis de tous, de gravir la montagne pour chercher la dernière dose antidote.
Survivre à tout prix
Voici un monde où l’humanité a subi l’épidémie du Bacille, champignon se développant à l’intérieur des corps humains jusqu’à ce que mort s’en suive. Au moment où tout semblait perdu, des créatures mystérieuses nommées êtres-montagnes sont apparus en donnant un antidote. C’est ainsi que le village des champignons a pu survivre sous la férule du Prieur Armillaire (on sent l’inquisiteur sévère en lui). Myco et sa sœur Paille ont survécu, sans leurs parents. Quant un mystérieux voyageur, médecin, débarque masqué, ils ne se méfient pas. Le voilà qui leur annonce que le Bacille est de retour. Pire : lui-même est malade et le transmet au Prieur… et Paille tombe malade. Myco ne peut la laisser ainsi et part avec elle gravir la montagne. Peut-être trouvera-t-il une dose d’antidote…
Un roman graphique ancré dans notre temps
Deux ans de pandémie de Covid peuvent rendre sensible à ce type de récit. Starace, dessinateur italien auteur d’un autre roman graphique, Inn, signe ici une histoire très émouvante sur un frère prêt à tout pour sauver sa sœur dans un univers plutôt inquiétant : on y voit plein de menaces dont des insectes gigantesques auprès desquels les hommes sont peu de choses. Le dessin est singulier mais précis, propice à un onirisme minimaliste, populaire chez de nombreux lecteurs. Être Montagne est une quête plutôt réussie, on ne peut que recommander cette bande dessinée.
Sylvain Bonnet