Avec Ou ce que vous voudrez (traduit par Florence Dolisi), Jo Walton nous donne le choix : plusieurs histoires et niveaux d’intertextualité se tissent dans un écheveau subtil, émouvant et érudit, parfois ironique.
C’est l’histoire d’une écrivaine à succès qui approche de la fin de sa vie, et de sa muse qui refuse de disparaître avec elle. C’est l’histoire du dernier roman qu’elle écrit, de ses dialogues avec celui qui est à fois un ami imaginaire, un ange et un duende, de ses souvenirs.
Mais ce sont aussi des échos troublants à son roman Mes Vrais Enfants et des mots issus d’autrices contemporaines d’imaginaire (Ada Palmer, Ursula Le Guin) qui endossent aux côtés de citations bibliques et shakespeariennes une stature mythique.
Les choses se compliquent quand sa muse n’est plus le seul de ses personnages fictifs à vouloir influer sur le cours du récit…
Récits emboîtés où se succèdent le merveilleux et le trivial, le réalisme et le conte, Jo Walton nous livre les événements qui se déroulent dans « la caverne d’os » – là où naissent les histoires.
Réflexion sur le déroulé narratif et comment il diffère du cours des événements (dans la vraie vie, plein d’histoires ne servent à rien), comment il informe notre perception du monde (« ces domestiques […], des femmes qui n’apparaissent jamais dans les livres d’histoire ou dans les romans qu’elle publie ; la preuve, nous n’en avons croisé aucune pour l’instant »).
Comment, à partir par exemple de recherches historiques (le livre fourmille d’anecdotes sur la Florence de la Renaissance), on va créer l’histoire en mettant en valeur, plus que le savoir, l’ignorance, espace des possibles :
« C’est typique des faits historiques, ça : certains nous parviennent, d’autres pas. C’est rageant. Mais ces trous béants peuvent se révéler cruciaux : ils laissent passer la lumière qui va éclairer une nouvelle histoire dans l’espace vacant. »
Les particularités et critiques du genre de la fantasy – imaginer d’autres mondes, s’échapper du nôtre – ne sont pas oubliées, et certaines réflexions rejoignent les essais à ce sujet d’Ursula Le Guin (plusieurs textes réunis dans Le Langage de la nuit sont d’ailleurs disponibles en français grâce aux éditions Les Forges de Vulcain).
En particularité, la réaffirmation d’à quel point la fantasy parle de notre monde, des tyrannies que nous ne faisons pas tomber – qu’il s’agisse de guerres internationales ou de maris violents – et des espaces des possibles qu’elle peut révéler.
À la fois roman d’imaginaire avec magie, mondes parallèles et héros, essai sur l’écriture et soupçon d’autofiction, Ou ce que vous voudrez est aussi une déclaration d’amour à la ville de Florence – et à toutes les villes de Florence de toutes les histoires – à sa lumière, ses rues, ses artistes, ses musées, ses restaurants cachés et bien sûr ses gellati.