Une demi-couronne

 

On a connu Jo Walton en France grâce à Morwenna, prix Hugo 2012, roman de fantasy plein d’une nostalgie de fan envers la science-fiction des années 1960 à 1980, qui remporta un certain succès public. Force cependant est de constater que Le Cercle de Farthing et Hamlet au paradis apportent des preuves plus probantes du talent de Jo Walton : maîtrise des structures narratives du roman à énigme et de l’uchronie, don de faire vivre des personnages aux psychologies bien différentes, alternance réussie de la narration à la première et à la troisième personne, sans compter une solide documentation historique. On retrouve donc toutes ces qualités dans le troisième volume de cette trilogie du Subtil changement, Une demi-couronne, ainsi que le personnage ambigu de l’inspecteur Carmichael : Comment Jo Walton conclut-elle sa trilogie ?

 

 

Londres, 1960 : la jeune Elvira Royston, élevée en Suisse en compagnie de son amie Betsy Maynard, se prépare à être présentée à la Reine. Elle accepte d’accompagner son amie et son soupirant Alan Bellingham à une manifestation fasciste. Celle-ci tourne mal et la jeune Elvira est emmenée par la Police en prison. Elvira n’est autre que la pupille de Peter Carmichael, l’inspecteur qui a déjoué dix ans plus tôt l’attentat contre Hitler (voir Hamlet au paradis) et qui a été nommé chef du Guet, la Police secrète du Premier ministre Mark Normanby (qui le fait chanter sur son homosexualité). Dès que Carmichael l’apprend, il la fait libérer mais le contexte est très sombre : le duc de Windsor est de retour à Londres et prépare un coup d’état fasciste contre Normanby. Elvira constitue la faiblesse de Carmichael et ses ennemis vont l’attaquer à travers elle.

 

 

Une demi-couronne conclut très bien cette trilogie du Subtil changement, chronique d’une dérive lente de l’Angleterre vers le fascisme, à partir du moment où la paix avec l’Allemagne nazie est conclue. Le personnage de Carmichael, policier brillant, torturé, fascine par les accommodements qu’il a dû choisir de subir tout en faisant tout son possible pour sauver les Juifs anglais (le Guet cache ainsi une organisation qui aide ceux-ci à fuir vers l’Irlande ou le Canada). Des allusions aux personnages des autres romans (ainsi Lucy et David Kahn du Cercle de Farthing) achèvent de renforcer la cohérence des trois volumes. Il s’agit d’un très bon roman qu’on ne peut que recommander : de la speculative fiction à son meilleur niveau !