Porcelaine sous les ruines

Porcelaine sous les ruines - Thé, fin du monde et immortalité

L’année dernière, Chris Vuklisevic, nous faisait rêver avec Du thé pour les fantômes paru aux éditions Denoël. Cette année, elle revient dans un tout autre genre sous le pseudo d’Ada Vivalda et nous offre une romance entre douceur et amertume entre une jeune femme immortelle qui tente de créer un havre de paix dans un contexte d’effondrement mondial, et l’arrogant Lethan, envoyé par la nation voisine pour comprendre les secrets de la réussite de l’archipel isolé.

Parce qu'elle a accordé trop de vœux aux humains, Alba a été bannie sur Terre par les Génies. Après une longue errance à travers les siècles, elle a enfin trouvé un refuge et une famille sur l'archipel paisible d'Hibernia. Les habitants de ce qui fut jadis l'Irlande voient désormais en elle Lady Whitmore, la Dame aux yeux sombres, gardienne de ces derniers morceaux de terre verdoyante que la mer grignote chaque jour un peu plus.
Mais l'abondance qui règne sur Hibernia commence à susciter la convoitise de Cymru, l'archipel voisin, puissant et surpeuplé. Le Conseil de Cymru envoie alors chez Lady Whitmore un émissaire aussi détestable que séduisant : Lethan Alcor. Tout juste élu Conseiller, Lethan a une mission cruciale : percer le secret de la richesse d'Hibernia. Et pour y parvenir, il est prêt à user de ses stratagèmes les plus redoutables contre Alba et ses proches.
La cohabitation risque d'être orageuse.

Il s’agit du second titre paru au catalogue des éditions Olympe, le nouveau label de romantasy (romance de fantasy) adulte qui publiera à la fois des traductions et des romans francophones. Après Une couronne de verre et de lierre de Claire Legrand traduit de l’anglais, Ada Vivalda inaugure donc les romans inédits en français avec ce titre.

Inspiration irlandaises et atmosphère douce-amère

L’archipel d’Hibernia, suite de petites îles sur lesquelles Alba a progressivement relancé une agriculture et notamment une production de feuilles de thé florissante, est en réalité un morceau de terre rescapée de la montée des eaux et située dans la région que nous connaissons comme l’Irlande, pays où a vécu l’autrice. Cette localisation n’est pas la seule inspiration irlandaise et celtique du roman puisqu’on y retrouve des noms de lieux ou de personnages comme Cymru, Aoife ou encore Fergus (ne vous inquiétez pas, la prononciation de chaque terme est précisée au début de l’ouvrage!).

En plus d’emprunter des éléments de fantasy comme l’existence des génies dont faisait Alba jusqu’à sa chute, Porcelaine sous les ruines dépeint un monde en pleine catastrophe écologique et une protagoniste qui cherche coûte que coûte à sauver ce qui peut l’être et à trouver des solutions pour rendre la vie de l’humanité plus agréable malgré les circonstances. Entre violence de fin du monde et douceur dans le château isolé qui sert de refuge à elle, aux orphelins et à la famille humaine dont elle s’est malgré elle attachée, Ada Vivalda nous plonge dans une ambiance douce-amère obsédante qui rend son roman unique.

« Malgré cela, Alba avait tenu à accompagner la dernière baleine blanche, lorsqu’elle s’était éteinte trois siècles plus tôt. Le dernier ours polaire, aussi. La dernière chouette effraie… Elle avait passé avec eux leurs derniers moments dans ce monde, et traversé plus d’extinction qu’elle ne pouvait en compter. »

Alba est donc immortelle, punie pour avoir outrepassé ses pouvoirs de génie pour aider une humanité à laquelle est est profondément attachée. Le temps sur Terre passe pour elle inexorablement, à la fois long et trop court puisqu’elle voit chaque personne autour d’elle naître, grandir puis vieillir et mourir. Pour se protéger de la douleur du deuil, elle s’acharne donc -difficilement – à garder une distance avec les humains dont elle s’occupe sur son archipel. Pourtant, le temps a quand même laissé sa marque sur son esprit comme sur son corps et chaque souvenir prouve un peu plus son humanité et sa grandeur d’âme.

« Et lui, qu’avait-il vécu pour porter ces marques sur son corps ? Quelles épreuves avait-il traversées pour que sa peau raconte tant d’histoires ? »

Un foyer et une famille à se créer malgré les épreuves

La situation des villageois sur Hibernia, celle d’Alba tout comme celle de Lethan est donc plus que critique. Mais malgré les coups du sort ou l’injustice des décisions du conseil dont fait partie Lethan qui veut annexer l’archipel qu’elle a mis tant de temps à rendre viable, Alba ne perd pas de vue son objectif. Chaque petit instant de vie domestique, chaque rire d’enfant décrit par l’autrice ou bal durant lequel la protagoniste accepte enfin de danser avec Lethan nous offre une bonne dose d’espoir et d’émotion. Du début à la fin du roman, vous passerez en quelques lignes de tristesse profonde à nostalgie en passant par la tension amoureuse qui brûle entre les deux personnages principaux.

« — C’est seulement que, de temps en temps, ça fait du bien d’espérer un peu, ajouta Aoife. Même pour faire semblant. »

La romance tourmentée commence dès la rencontre d’Alba et Lethan et c’est évidemment ce que l’on aime ! Tout deux ont de nombreux a priori l’un envers l’autre malgré leur attraction indéniable. Pourtant lui doit retourner auprès de son épouse après cette mission sur Hibernia, et quoi qu’il en soit, Alba s’est promis de ne pas aimer pour ne pas souffrir. Mais les événements difficiles les obligent à se rapprocher, à se faire confiance, et l’attitude de la jeune femme va se réchauffer au fur et à mesure qu’elle lui montre la beauté d’Hibernia, de ses cultures et, peut-être, de ses secrets bien gardés entre les plantes de sa serre.

« Arrête de penser à ce que tu aurais pu faire, se rappela Alba. Pense à ce que tu peux faire maintenant. »

Concentrée sur l’instant présent et la nécessité de sauver les habitants d’Hibernia qui compte sur elle, Alba devra pourtant faire des sacrifices déchirants. Car tout comme le récit qui se construit par petites touches poétiques, sa famille de cœur et son foyer sont tout ce qui lui reste pour avancer et elle se battra bec et ongle pour les protéger. Contre Lethan ou contre le monde.

« Parce qu’il est impossible de voler ou de s’approprier le foyer d’un autre, Mr Alcor. On ne peut que le construire. Avec beaucoup de temps, de patience et d’humilité. »

Un roman calme, doux et extrêmement romantique qui se dévore sous un plaid un jour de pluie battante. Disponible dès maintenant dans une édition reliée magnifique aux éditions Olympe.