Écrivain visionnaire lauréat du Grand Prix de l’Imaginaire, normalien et agrégé
de philosophie, Romain Lucazeau conçoit une langue poétique pour notre époque,
celle de l’intelligence artificielle, des biotechnologies et du transhumanisme.
Apte à transcrire l’émotion suscitée par la post-modernité technologique
et urbaine. À décrire l’exil irrémédiable de l’humain dans un futur inhumain.
Un auteur à succès
Romain Lucazeau, après quelques nouvelles ici et là, a remporté un grand succès avec le dytique Latium publié dans la collection Lunes d’encre chez Denoël en 2016 (lauréat du grand prix de l’imaginaire en 2017), puis il a enchaîné avec La nuit du faune (Albin Michel, 2021) et cette année avec Vallée du carnage chez Verso aux éditions Seuil. Langage machine, recueil de poésie, est également sorti chez Verso. De la poésie pour notre époque, est-ce encore possible ?
La poésie contre la déshumanisation qui vient
« Le Styx
Coule à l’envers
Vers des abîmes bavards
Où des prophètes brandissent de banales utopies
Enlardées de logos et de technologie
Marchands de rêves morts
Logarithmes avortés
L’avenir s’est fermé
L’avenir s’abolit dans son opacité »
L’auteur a donc essayé d’écrire de la poésie à l’ère de l’intelligence artificielle et du rêve (pour moi c’est un cauchemar) transhumaniste (thème qu’il a déjà bien abordé dans Latium). Ça donne des textes formellement très beaux et parfois.
Exemple :
« Je sais des lieux cachés dans les replis du monde
Que forme l’angle mort des radio-émetteurs
Par eux l’errance surgit dans le flux des vecteurs
Asynchronie fugace à l’existence humaine »
Les anciens se souviendront du titre d’un recueil de nouvelles de Ray Bradbury, Je chante le corps électrique tant le vocabulaire utilisé par Romain Lucazeau fait penser à ce type d’expression (et rappelons que Bradbury s’inspirait de Walt Whitman). Parfois, il donne l’impression de faire parler une IA : pourquoi pas ? on est un peu désarçonné, parfois surpris, toujours intéressé. Et c’est donc très bien.
A découvrir.
Sylvain Bonnet