Actusf : Ma première question porte sur les Imaginales. Qu’est-ce que représente le festival pour toi et le fait d’avoir été choisi comme coup de cœur ?
Mélanie Fazi : Les Imaginales occupent une place particulière pour moi dans le sens où j’y suis allée presque chaque année depuis la toute première édition. D’abord en touriste à l’époque où j’avais publié deux ou trois nouvelles en anthologie, puis comme invitée après la parution de mes propres livres. J’ai vu le festival gagner en ampleur d’une année sur l’autre, j’y ai fait beaucoup de rencontres, et j’ai évidemment été très touchée et flattée d’y être invitée en tant que « coup de cœur » en 2008, ce que je n’attendais absolument pas.
Actusf : Comment est née l’idée de ta nouvelle dans l’anthologie ?
Mélanie Fazi : Comme la plupart de mes textes, elle est née d’une suite d’images qui me sont venues en musique et autour desquelles des thèmes se sont greffés progressivement. Tout est parti de l’image de Livia, la narratrice, en train de jouer du violon sur la scène d’une salle de concert déserte. Puis d’une autre image de Livia jouant de la musique dans la rue en pleine nuit. Je savais seulement à ce stade qu’il se passait quelque chose de particulier lorsqu’elle jouait. Il m’a fallu un moment pour avoir l’intuition de ce que pouvait être ce don ; à partir de là, tout s’est emboîté.
Actusf : Parle nous de ton héroïne, peux-tu nous la présenter ?
Mélanie Fazi : Livia est musicienne et la nouvelle la présente à un tournant décisif de sa vie. Elle s’y découvre un don particulier lié à la musique le jour même où elle fait une rencontre amoureuse qui va la marquer durablement. Les deux éléments finissent évidemment par se rejoindre, mais je préfère ne pas trop en dire.
Actusf : Il y est question de musique. Je sais que tu prends aussi beaucoup de groupes de musiques en photos. Quelle place a la musique pour toi dans ton écriture ?
Mélanie Fazi : Elle est centrale, depuis longtemps. La plupart des déclics qui donnent naissance à des images ou à des personnages sont intimement liés à la musique que j’écoute. Au point qu’en relisant d’anciens textes, je peux retrouver en filigrane ce que j’écoutais à l’époque. C’est particulièrement vrai de « Trois renards » où elle s’est imposée comme thème principal. Sans doute parce que c’était à un moment où la musique et les concerts occupaient beaucoup de place dans ma vie. Et puis parce que certains passages, notamment une scène onirique vers la fin, nécessitaient un rythme particulier et un état d’esprit que je ne pouvais atteindre qu’en écoutant certaines chansons en boucle pendant l’écriture.
Actusf : Tu y parles de la scène. Y’a-t-il pour toi une attirance particulière pour cette scène, ces productions musicales “en public” des concerts ?
Mélanie Fazi : Oui, bien sûr, une fascination mêlée de la vague frustration de ne pas être capable moi-même de faire de musique. Mais il se passe quelque chose de fort, de viscéral et d’assez indescriptible lorsqu’on assiste à un très beau concert, il se tisse un lien particulier entre public et musiciens qui fait partie des expériences les plus magiques que je connaisse. C’était pour parler de ça, précisément, que j’avais écrit « Matilda » il y a quinze ans, parce que je ne trouvais pas les mots autrement. C’est pour ça aussi que j’éprouve le besoin de capturer cette expérience à travers des chroniques ou des photos. Faute de parler le langage de la musique, j’essaie de l’apprivoiser par les mots et les images.
Actusf : Il y est question de violences conjugales que tu dénonces bien évidemment. Est-ce facile de parler de ce thème ?
Mélanie Fazi : Je serais incapable de me lever un jour en me disant « Je vais écrire un texte qui dénonce les violences conjugales », je ne fonctionne vraiment pas comme ça. Dans « Trois renards », je suis partie d’images et de personnages et ce thème s’y est greffé bien plus tard : je sentais que Livia devait être à un tournant de sa vie, à la dérive, et le texte est parti de lui-même dans cette direction. Si je commence à réfléchir consciemment à un thème au lieu de le laisser simplement se présenter, les personnages deviennent des symboles, l’intrigue devient un message et le texte n’aura aucune chair. Il ne faut surtout pas que je m’interroge sur la difficulté de traiter un thème : il faut que le texte l’impose, et alors il n’y a qu’à se laisser porter.
Actusf : Quelle est ton actualité par ailleurs et quels sont tes projets ?
Mélanie Fazi : Un projet de troisième recueil, des nouvelles à écrire pour des anthologies. Et dans l’immédiat, ma présence aux Imaginales, avec notamment ma participation à un concert/lectures le jeudi soir que j’attends assez impatiemment. Une occasion de lier l’écriture et la musique, là encore.