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AKKAD - Les secrets d'écriture de Clarke
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AKKAD - Les secrets d'écriture de Clarke

On connait bien Clarke pour sa série jeunesse Mélusine. On le connait aussi pour la grande diversité des thèmes et des époques qu'il aborde dans ses autres BD, de Cosa Nostra à Dilemma, de Noctunes à Réalités Obliques. Le voici de retour avec un one shot de science fiction, Akkad. Les extraterrestres ont pris l'apparence de gros scarabées et à chaque apparition, ils prennent une zone plus ou moins grandes et la décalent dans l'espace temps. Impossible ensuite pour les humains d'y remettre le pieds. Le gouvernement américain décide de suivre l'idée d'un scientifique : injecter quelques cellules extraterrestres à de jeunes adolescents et augmenter un certain nombre de leurs capacités...
Un album étonnant avec derrière l'histoire celle de gamins que l'on soumet à toutes sortes de tests cruels. On a posé quelques questions à Clarke sur cet album touffu paru aux éditions Le Lombard.

Actusf : Comment est née l'idée de cette série ? Qu'aviez-vous envie de faire ?

Clarke : L’idée de cet album était bien différente à l’origine. C’était un scénario sur la propagande en temps de guerre. Quelque chose d’assez osé et spécial. Sans doute trop. Donc, avec l’éditeur, on a ramené tout ça vers une trame plus « classique »... Quant à mes envies, je voulais parler de la manipulation de gens pour le « bien de tous », ce qui est resté dans l’album final...

Actusf : Il y a une invasion extraterrestre peu commune, mais très forte visuellement avec ce qui ressemble à des scarabées géants. Qu'aviez-vous graphiquement envie de faire ? Et est-ce qu'il y a des œuvres de SF qui vous ont influencé visuellement ?

Clarke :J’ai lu pas mal de SF quand j’étais plus jeune. Beaucoup de bouquins de ce qu’on appelle « l’âge d’or » aux USA... Et il y a des livres qui m’ont profondément marqué, oui. Sans doute Génocides de Thomas Disch et Des Fleurs Pour Algernon de Daniel Keyes... Aussi beaucoup de Silverberg et de Dick, évidemment... Les scarabées sont venus du travail avec l’éditeur qui voulait une représentation de l’envahisseur, ce que je n’avais pas prévu. Alors je suis venu avec ça parce qu’il fallait qu’ils soient aussi éloignés de nous que possible, pour rester incompréhensibles. Par la suite, on m’a pas mal parlé de Starship Troopers mais je n’ai jamais vu le film (rires).

Actusf : Cette intrusion ET est assez particulière, puisqu'il n'y a pas de contact avec ces êtres venus d'ailleurs. Ils font disparaitre certaines zones de notre espace temps pour les transférer dans le leur. Comment est née cette idée ? Comment vous l'avez travaillé? Et si nous n'en savons que peu sur leurs intentions, est-ce que vous, le créateur, vous en savez plus ?

Clarke : Non, je n’en sais pas plus. J’ai voulu créer des envahisseurs opaques, sans motivations discernables. Ce qui aurait de toute façon de grandes chances d’arriver si un jour nous nous retrouvions dans cette situation. Donc, je les ai traités sans mettre la moindre logique dans leur comportement. Et la meilleure façon d’y arriver était de ne pas savoir moi-même comment ils pensaient...

Actusf : On y suit 5 adolescents qui ont "bénéficié" d'un programme particulier pour accroitre leurs capacités. Ils n'ont pas l'air très très heureux. Vous aviez envie de parler des mauvais traitements et de la manipulation ?

Clarke : Oui. Clairement. C’est quelque chose qui me touche, cette manière de traiter la vie de chacun à l’échelle des ambitions du plus grand nombre. Cela concerne aussi le simple soldat qu’on envoie à la boucherie au nom d’un état qui a un problème de frontière avec un voisin. Comme l’a dit Paul Valéry : « La guerre, un massacre de gens qui ne se connaissent pas. Au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas. »

Actusf : Le personnage du "scientifique" qui est leur responsable, est assez intéressant. Il paraît à la fois être leur protecteur tout en étant aussi celui qui les soumet à des injections pas très agréables. Comment est-ce que vous voyez ce personnage et comment pourriez-vous nous le présenter ?

Clarke : Je n’aime pas le monde en noir et blanc. Le pire salaud peut être un excellent père de famille. Ici, on est devant un « visionnaire » tout entier dédié à ses idéaux : sauver l’espèce humaine, voire créer un monde meilleur. Il a donc une certaine forme d’empathie en lui. Même si celle-ci est subrogée à ses intérêts supérieurs. Donc, il peut être un mentor aimant et une authentique crapule en même temps. Ce qui rend le personnage bien plus intéressant...

Actusf : Le livre est sorti fin janvier. Vous l'avez sans doute terminé il y a quelques mois. Quel regard portez-vous maintenant sur lui ?

Clarke : J’ai fini l’album en mars 2020. Depuis, je ne l’ai plus relu. Quand on sort d’un bouquin dans lequel on s’est impliqué pendant deux ans, dont on a littéralement « vécu » l’histoire (ce n’est pas une image), on a besoin de respirer un peu d’air frais. D’autant que l’histoire n’était pas des plus guillerettes, haha. Donc, je n’ai pas encore de regard dessus, non. Reposez-moi la question dans quelques mois et je vous répondrai volontiers...

Actusf : On vous a vu œuvré dans de nombreux genres et avec des styles graphiques très différents, parlant de la Mafia, flirtant avec le fantastique en passant par la série Mélusine. Comment naissent vos histoires ? Et comment déterminez vous la manière dont vous allez les raconter ?

Clarke : Les histoires naissent comme des bulles de champagne qui remontent à la surface : on ne les prévoit pas. C’est juste un pops qui, s’il arrive au bon moment, dans les bonnes conditions, peut donner naissance à quelque chose de plus structuré, qui correspond à une envie que j’ai à ce moment précis. Et en général, les histoires dictent la façon dont je vais les dessiner. Le dessinateur en moi est au service du scénariste en moi, haha. Bel exemple de schizophrénie, en fait...

Actusf : Quels sont vos projets ? Sur quoi travaillez vous ?

Clarke : Je travaille sur une série avec Vincent Dugomier au scénario. Trois albums sont prévus pour le moment et j’ai fini le premier il y a quelques mois. On démarre le second dans pas longtemps... Ça s’appellera « Urbex ». Une histoire d’ados aux teintes fantastiques et... psychologiques.

Jérôme Vincent

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