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Archive : interview de James Morrow
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Archive : interview de James Morrow

On vous propose un petit détour dans nos archives de l'année 2000 avec une interview de James Morrow.

Actusf : Comment est née votre passion pour la littérature ?

James Morrow : J’ai toujours écrit de la science fiction. A l’age de 7 ans, j’inventais des histoires avec des animaux qui parlent et je les racontais à ma mère. Et puis comme mes parents avaient une machine à écrire, j’en profitais pour les taper.

Actusf : Comment vous définiriez-vous en tant qu’auteur ?

James Morrow : En fait, je me considère autant comme un auteur de science-fiction que comme un auteur satirique. J’ai été influencé aussi bien par des écrivains comme Scheckley, Vonnegut ou Voltaire pour la France.

Actusf : Vous avez exercé de nombreuses professions avant d’être publié, prof d’anglais, cinéaste, dessinateur satirique, critique littéraire… Pourquoi avoir attendu si longtemps pour écrire ?

James Morrow : Je suis venu à l’écriture sur le tard, c’est vrai. Mais finalement c’était une bonne chose. Cela m’a laissé le temps de m’intéresser à beaucoup de domaines différents comme l’anthropologie, la philosophie… Par la suite j’ai eu envie d’écrire une histoire qui soit à la fois satirique et philosophique, bref de brasser un peu les genres. Je n’ai jamais eu la volonté de ne faire " Que " de la Science-fiction ou " Que " de la satire. Je crois que mon expérience de cinéaste m’a aussi beaucoup influencé. Je pense d’ailleurs avoir une écriture très visuelle. Je conçois vraiment mes romans comme des films avec différentes scènes et plusieurs personnages. J’écris comme un cinéaste mais sans les problèmes des moyens financiers (rires…).

Actusf : Vous avez reçu plusieurs prix littéraires comme Le Nébula ou le World Fantasy Award. Ces récompenses étaient-elles importantes pour vous en tant qu’écrivain ?

James Morrow : Je ne vais pas cacher que ça m’a énormément fait plaisir bien sûr. Maintenant ces prix n’ont pas vraiment changé ni ma vie ni ma manière d’écrire. Par contre ils m’ont apporté plus de notoriété c’est vrai. Je les ai mis bien en évidence dans mon salon.

Actusf : Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire de la parodie comme vous le faites plutôt que des romans très " sérieux "?

James Morrow : En fait je pense que la satire est une forme de littérature très sérieuse… Au contraire de l’humour " banal ", je crois sincèrement que la satire peut mettre les gens en colère et les inciter à réfléchir. C’est aussi une des raisons pour lesquelles j’utilise la science-fiction. Elle me permet d’aller plus loin dans la provocation. Et comme en plus j’utilise la dimension satirique, je peux vraiment écrire tout ce que je veux.

Actusf : Le moins que l’on puisse dire, c’est que vous vous moquez souvent de Dieu dans vos romans, la religion est votre souffre douleur favori ?

James Morrow : Je vais bientôt quitter Dieu parce que j’en ai un peu marre de lui… et lui de moi je pense (rires). J’écris souvent sur la religion, non pas parce que j’ai eu, enfant, des expériences douloureuses à l’église, mais parce que j’aime des auteurs comme Voltaire ou Camus. Le sujet était important pour eux et au fil du temps, à force de les lire, il l’est devenu aussi pour moi.

Actusf : Comment vous viennent ces idées un peu folles d’un Dieu de 3 kilomètres de long ou d’un homme qui décide de lui faire un procès, ou de le définir comme une éponge dans Notre mère qui êtes aux cieux ?

James Morrow : Ça vient de mon subconscient je pense. Ce n’est pas franchement l’image habituelle que l’on a de Dieu mais… c’est la mienne ! Je n’ai nécessairement pas envie de chercher plus, de creuser plus. J’ai juste fait un jour le rêve d’un vaisseau spatial tractant un corps gigantesque. Je me suis alors demandé de qui pourrait être le cadavre avant de conclure que c’était celui de Dieu. Par la suite c’est devenu la base de mon livre En remorquant Jéhovah. Ce qui était important, c’était de pouvoir choquer et bousculer mon lecteur. Et il n’y a que la fiction qui me permettait de le faire comme ça.

Actusf : Quel a été l’accueil du public vis à vis de ces livres pour le moins blasphémateurs ?

James Morrow : J’ai un site web depuis peu et je reçois pas mal de mails sur le sujet. Ce ne sont pas vraiment des messages de haine, mais plutôt des messages de chrétiens d’extrême droite qui me demandent pourquoi j’ai l’air aussi obsédé par Dieu. Certains me conseillent d’ailleurs de me convertir avant de mourir et d’aller brûler en Enfer (rires)…

Actusf : Quels sont vos projets, maintenant que vous en avez fini avec Dieu ?

James Morrow : J’ai écrit environ les deux tiers de mon prochain bouquin qui s’appellera Le Dernier des chasseurs de sorcières. Ce sera mon premier roman historique. L’histoire se passe dans l’Angleterre de la restauration et dans l’Amérique coloniale. C’est à nouveau un roman philosophique mais dans lequel je m’intéresse beaucoup à la science. Ma question de départ est " comment à la même époque pouvaient cohabiter à la fois des gens qui brûlaient des sorcières et les premiers scientifiques ". Le personnage principal est une jeune femme dont le père passe son temps à traquer et pendre des sorcières. Tous les deux partent en voyage en Amérique et se retrouvent mêlés à l’affaire des sorcières de Salem. Excédée, mon héroïne va tout faire pour apporter la preuve à son père que les démons et autres choses surnaturelles n’existent pas. Et puis entre temps, elle va croiser Benjamin Franklin et devenir son amante. J’ai aussi profité de cette histoire pour organiser la rencontre entre Franklin et Newton alors qu’elle n’a jamais eu lieu dans la réalité.

Actusf : C’est un plaisir de manipuler l’histoire comme pour cette rencontre ?

James Morrow : J’adore faire ça. On a des éléments vraiment intéressants dans les mains. Par exemple pour Franklin et Newton, l’un avait 18 ans, l’autre quasiment 80 ans. Et le premier était déjà impliqué dans l’histoire de Salem. Tous les éléments étaient là pour que je fasse une bonne histoire en rajoutant juste le petit plus de cette rencontre.

Actusf : L’histoire et la science sont pour vous des sources d’inspiration importantes ?

James Morrow : En fait, mon nouveau livre est une réécriture d’un des plus fameux bouquins de Newton. Mais surtout j’ai atteint un âge de raison (rires) qui me rend très critique et satirique vis à vis de la religion et des superstitions. Et puis nous vivons dans un monde gouverné par la science. En réfléchissant bien, je pense que c’est un besoin d’écrire ces livres.

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