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Ce qui vient la nuit - Melchior Ascaride, Julien Bétan et Mathieu Rivero sont de retour !
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Ce qui vient la nuit - Melchior Ascaride, Julien Bétan et Mathieu Rivero sont de retour !

Actusf : Après Tout au milieu du monde, vous revenez avec Ce qui vient la nuit. Comment est né ce roman ?

"Melchior, donc, nous a demandé si on ne voulait pas faire un truc dans le goût du lai de Bisclavret de Marie de France. Et là, on a dit banco."

Mathieu : Ce Qui Vient La Nuit est arrivé un peu au hasard, d'une idée de Melchior. Au début, après Tout au milieu du monde, on voulait travailler sur une idée un peu folle (une comédie musicale-Bollywood avec beaucoup de couleur) avec des côtés Citizen Kane et Millenium Actress. Bon, on ne se sentait pas tellement légitimes pour parler de l'Inde alors on a préféré la Bretagne, alors qu'aucun de nous n'est breton (mais personnellement, j'aime beaucoup ce que j'ai vu de la région). Melchior, donc, nous a demandé si on ne voulait pas faire un truc dans le goût du lai de Bisclavret de Marie de France. Et là, on a dit banco. Ça a fait tilt tout de suite. Du coup on est parti sur une réécriture mais en évitant de faire bien misogyne comme l'original.

Julien : Oui, l’idée était de restructurer le lai original, tout comme la légende classique du loup-garou : on retrouve tous les éléments de ces deux récits, mais agencés de manière différente, et souvent surprenante. De plus, Marie de France participe elle-même à l’histoire, sous forme de personnage.

Actusf : De quoi cela parle-t-il ?

"Cela parle également de syndrome post-traumatique, de la place de la femme à cette époque et, plus généralement, d’émancipation."

Mathieu : D'un baronnet qui revient de la 2e croisade. Et puis des païens, il n'avait pas besoin d'aller bien loin pour en trouver. Il part donc traquer les loups qui revêtent la peau des hommes, seul, en dépit du bon sens. Avec l'ambition de mener sa croisade à lui.

Julien : Cela parle également de syndrome post-traumatique, de la place de la femme à cette époque et, plus généralement, d’émancipation. De la peau dans laquelle on vit, des vêtements qu’on choisit (ou pas) de porter, des images qu’on tisse. Dans ce cadre, le personnage de Marie fonctionne un peu comme un révélateur : elle sait voir ce qui se cache derrière les histoires que l’on (se) raconte.

Mathieu : Malgré ces thèmes très sombres ou sérieux, Ce qui vient la nuit a ses moments comiques, ses tropes à lui. Au final, on a écrit un roman qui ne se roule pas dans sa noirceur comme un cochon dans sa gadoue : il y a le fun, et l’espoir, la création. Ça passe par des tranches de vie ordinaires, presque triviales par rapport à ce qui se trame dans le cœur du protagoniste, Jildas. Et on oublie souvent le côté goguenard de la fiction médiévale !

Actusf : Avez-vous travaillé de la même manière que pour Tout au milieu du monde ?

"La documentation se devait d’être sinon plus importante, au moins plus précise, puisque nous avons choisi de nous glisser dans les interstices de l’Histoire et de citer des noms de personnages et des événements réels."

Mathieu : Pour l'écriture, peu ou prou. Cela dit, le roman est beaucoup plus "traditionnel" dans sa structure que Tout au milieu du monde ; et on avait des éléments d'enquête, de la documentation à faire aussi car l'époque est plus définie, connue, documentée. C'est impressionnant et je dois dire que Julien a vachement bossé la documentation. Pour donner un exemple les chaussures / chausses / bottes ont été un tout petit cauchemar. Bon, faut pas non plus abuser, hein : c'est un détail que seul le médiéviste le plus exigeant appréciera.

Julien : La documentation se devait d’être sinon plus importante, au moins plus précise, puisque nous avons choisi de nous glisser dans les interstices de l’Histoire et de citer des noms de personnages et des événements réels. De même, la présence de Marie est plausible, dans le sens où les dates concordent et qu’on ne sait presque rien d’elle.

Actusf : L'écriture d'un roman graphique est un travail différent de celui d’un roman « normal » ?

"[...]mais en fait, on veut tous obtenir une œuvre singulière : on sait les partis-pris qu’on a et on s’y accroche."

Mathieu : Oui, mais pas tant que ça. D'un certain côté, oui : il faut penser à la place que prend l'illustration, à la fois dans le roman, pour laisser du propos à l'image, et dans la mise en page (mais ça c'est plutôt le boulot de Melchior). Il faut la penser comme un élément faisant partie du roman. Mais le roman ou la novella restent des formats avec leurs règles, et on joue dedans. Même si on casse tout parce que c'est plus marrant.

Julien : La « difficulté » réside surtout dans l’aspect choral du récit, mais comme nous sommes généralement sur la même longueur d’onde, cela se résume en réalité à une méthode, à une technique un peu différente du travail solitaire. Dans une certaine mesure, c’est plus facile, le recul fourni par les autres est immédiat, les doutes s’éclaircissent facilement, les problèmes se résolvent plus vite.

Mathieu : Carrément pour l’écho ! Quand on travaille seul, on peut parfois orienter le roman vers une direction vraiment mauvaise pendant quelques temps avant de se rendre compte qu’on fonçait droit dans le mur. Mais là, non : tu dérapes, tu proposes une connerie ? Hop, tu trouves un répondant. Pas possible de faire véritablement quelque chose de mauvais. Il y aurait bien le risque d’être consensuel parce qu’il faut arriver à trouver un milieu entre nous trois, mais en fait, on veut tous obtenir une œuvre singulière : on sait les partis-pris qu’on a et on s’y accroche.

Actusf : Comment vous y-êtes-vous pris pour écrire à 4 mains ? Vous vous êtes répartis les personnages, les chapitres ?

"Comme dans Tout au milieu, il n'y a pas de chapitrage, pas de choralité marquée. C'est une volonté qu'on a avec Julien depuis le début : on voulait un fil unique."

Mathieu : Comme dans Tout au milieu, il n'y a pas de chapitrage, pas de choralité marquée. C'est une volonté qu'on a avec Julien depuis le début : on voulait un fil unique. Que chacun puisse dire "j'ai écrit tout ça", et qu'on ne voie pas les sutures. On a pensé le scénario, on l'a découpé en scènes et après c'était au petit bonheur la chance. C'est à dire qu'on attaquait la scène quand on avait le temps, l'énergie, le Mojo, l'inspiration, une envie soudaine. Petit à petit, nous avons composé le roman, tout en repassant/corrigeant les scènes. On relit/réécrit ce que fait l'autre pour le remettre à notre sauce, même si le jeu littéraire est d'avoir une voix entre les deux nôtres. C'est dur, parfois : il m'est arrivé de me dire que la scène que Julien fournissait était parfaite, techniquement, et que je n'avais rien à redire. Mais il fallait gratter, rajouter mon sel pour en faire notre tambouille.

Julien : Pour les personnages, c’est un peu pareil, le premier à les décrire, à les faire interagir, pose les bases de ce qu’ils deviendront, de leur voix.

Actusf : Après la fantasy protohistorique, vous vous attaquez au folklore breton. Des inspirations en particulier ?

Mathieu : Le lai de Bisclavret, comme dit plus haut !

Julien : Oui, c’est un texte qui précède de quelques années ce que l’on considère comme les premiers « romans » de Chrétien de Troyes. Ce qui fait de Marie la première autrice de fiction en français. Elle modernisait des chants bretons pour ses contemporains, nous avons travaillé dans le même sens avec son texte.

Actusf : Sur quoi travaillez-vous ?

Mathieu : Après le bouclage de Ce qui vient la nuit et celui de Madharva avec Projets Syllex, je me suis accordé une petite pause, et je bosse sur des trucs mais j'avoue n'avoir pas tellement envie d'en parler, là, tout de suite : j’en parlerai quand je serai prêt à en parler. Après, avec Julien, on a envie de remettre le couvert !

Julien : Sur la traduction de la poésie fantastique de Lovecraft et, en parallèle, sur un autre récit du même type que les deux premiers, toujours illustré par Melchior, mais coécrit cette fois avec Faouzi Boughida, un ami de longue date aux multiples talents. Sans entrer dans les détails, il y sera question de chasse au monstre sur un bateau.

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