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Date de parution : 26/04/2024
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Cerveaux sous contrôle de Richard-Bessieres

Sans le tandem Richard-Bessieres, le Fleuve Noir aurait certainement coulé avec moins d’abondance. François Richard, qui dirigeait la collection, en a co-signé plus de deux cent titres avec le jeune Henri Bessieres qui, par une étrange coïncidence, avait aussi Richard pour second prénom. Sans entrer dans les querelles relatives à la paternité de ces romans qui font encore le bonheur de quelques collectionneurs, le duo n’en aura pas moins marqué l’univers de la science-fiction française, le petit monde du roman policier et encore bien d’autres mauvais genres. Henri Bessieres, féru de recherches paranormales, fut en effet longtemps président du Centre d’Etudes et de Recherches sur les Phénomènes Inexpliqués, et a enrichi le terreau fertile de la parapsychologie et des sciences occultes de quelques ouvrages documentaires sur la question…

La première guerre des clones…

Au vingt-troisième siècle, l’espèce humaine est parvenue au maximum de son développement et ne pourra évoluer davantage de façon naturelle. Pour cette raison, le professeur Ford crée les homo syntheticus. Après une hybridation avec homo sapiens, ces êtres artificiels étaient censés améliorer notre espèce. Seulement, malgré les espérances de leur créateur, homo syntheticus est stérile et, de plus, si hostile à l’humanité que le gouvernement terrien a été contraint de les exiler sur une des lunes de Jupiter ! Le professeur Ford n’a cependant pas dit son dernier mot, et créé Patrick et Jennifer, un couple capable de procréer. Les deux enfants ont grandi à une vitesse stupéfiante et, devenus adultes, font bientôt preuve de pouvoirs mentaux exceptionnels qui leur permettent d’exercer un contrôle télépathique sur n’importe quelle créature pensante ! Et le pire reste à venir : Patrick a inventé un transmetteur de matière, à l’aide duquel il espère téléporter sur Terre ses frères et sœurs exilés et, avec leur aide, dominer le monde !

Reste-t-il encore des cerveaux disponibles ?

En 1966, ces temps quasi-préhistorique au cours desquels téléphones et ordinateurs portables n’existaient que dans Star Trek, les romans populaires du Fleuve Noir constituaient une des principales ressources de la science-fiction francophone. Cerveaux sous contrôle est un bel exemple de cette littérature, peut-être naïve et parfois qualitativement discutable, mais en tous cas décomplexée et pleine de vigueur. Ce type d’ouvrage rappelle irrésistiblement tous ces comics dans lesquels le public voulait seulement voir les super héros voler, se battre avec le Mal, et vaincre à la fin. Peu importait, finalement, la crédibilité du scénario ou la profondeur psychologique des personnages, il suffisait d’y retrouver ce parfum d’aventure et de mystère qui alimentait les rêves éveillés des lecteurs. Dans cette optique, Cerveaux sous contrôle tient largement ses promesses, mais qu’en reste-t-il pour un lecteur du vingt-et-unième siècle, biberonné aux séries américaines formatées par de très professionnelles équipes de commerciaux roublards ? Des fictions artisanales, que la patine du temps a rendues moins clinquantes mais peut-être aussi, à cause de leurs faiblesses, plus humaines que synthétiques. Avec le recul, on peut voir autre chose qu’un avertissement réactionnaire dans ce récit opposant humanités naturelles et transformées, une inquiétude légitime face aux fantasmes de surhumanité nourris par certains scientistes ? Tout est dans le titre… Cerveaux sous contrôle, un court roman sans autre prétention que celle de distraire ses lecteurs, illustre pourtant à merveille le rôle joué par la science-fiction, populaire ou non, dans l’exploration des dérives possibles du progrès. Et ça fait peur ! Comme d’habitude…

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