La quantité d’auteurs jadis célèbres et qui ont disparu des mémoires est surprenante. John Priestley, l’un des auteurs anglais les plus lus du siècle dernier, fréquemment traduit en français jusqu’à la fin des années soixante, n'est plus présent que dans les arrière-boutiques sombres de quelques vieux bouquinistes. Il a cependant laissé derrière lui une œuvre abondante : une bonne centaine de livres, des romans couvrant presque tous les genres du spectre littéraire, de très nombreuses pièces de théâtre à succès, des essais, des journaux de voyage… Il fut également homme de radio avec des émissions très populaires au cours de la seconde guerre mondiale. Les critiques sévères que lui adressaient l’intelligentsia littéraire de son temps ont peut-être joué un rôle dans sa désaffection, à moins que, tout simplement, le lectorat moderne ne se retrouve plus dans ses textes (ce qui reste pourtant à démontrer). Sic transit gloria mundi. Et pourtant, Un inspecteur vous demande, sa pièce la plus célèbre, fait toujours l’objet d’adaptations sur les écrans, la dernière en date (2018) étant un épisode de Doctor Who, The Doctor calls…
De la Riviera au désert de la mort…
A la fin des années trente, sur la Riviera française, un tournois de tennis occupe les loisirs de la bonne société. Malcolm Darbyshire, un architecte anglais, y a pour partenaire impromptue une jeune femme bien mystérieuse... Lorsque la compétition s’achève, Malcolm est prêt à se rendre au bout du monde dans l’espoir de la retrouver. Pendant ce temps, en Angleterre, le jeune docteur Hooker profite de ses vacances pour enquêter sur un éminent physicien, disparu depuis plusieurs mois, et qu’il soupçonne d’être au seuil d’une découverte révolutionnaire. Quant à Jimmy Edlin, il revient à Los Angeles après avoir longtemps bourlingué autour du monde. Il se lance sur la piste des meurtriers de son frère, un journaliste assassiné alors qu’il enquêtait sur une secte mystérieuse : Les hommes du dernier jour… Nos trois protagonistes se retrouveront en Californie, à Barstow, une ville perdue dans le terrible désert de Mohave…
Pourquoi tant de haine ?
H. G. Wells, toujours en avance sur son temps, avait dès 1909 envisagé l’utilisation de l'atome pour créer des armes d'une puissance inégalée, avec La destruction libératrice, et on peut imaginer que Priestley, ami de l’auteur de L’ile du docteur Moreau, ait eu connaissance de ce texte. Publié en 1938, quelques années avant le funeste projet Manhattan, Les hommes du dernier jour est une délicieuse vieillerie à l’ambiance proche des thrillers des années quarante. Une vieillerie, certes, mais qui reste agréable à lire grâce à une intrigue simple et qui ne manque pas de rythme. Juste avant la seconde guerre mondiale, les aspirations d'un forcené à la domination du monde, même au prix de sa destruction, trouvaient certainement un écho dans la réalité politique vécue par les amateurs de fiction. En 2022, il est désolant de constater que rien n'a changé, bien qu'il soit toujours de mise d'espérer la même heureuse conclusion que celle de bien des romans populaires du siècle précédent. Les hommes du dernier jour, anticipant les drames nucléaires et la folie meurtrière qui découle d’un patriotisme exacerbé, ne demanderait qu’une légère mise à jour de sa traduction pour connaître de nouveau les honneurs de la table centrale des plus judicieux d'entre les libraires…