Depuis 2001, les AMAP (Association pour le Maintien d'une Agriculture Paysanne) sont des structures locales dans lesquelles des exploitants agricoles vendent leurs produits directement aux consommateurs. Des essais sont tentés ddans le milieu artistique pour essayer de créer des "AMAP culturelles".
En littérature cela se traduit par des auteurs qui proposent d'envoyer certaines leurs œuvres directement aux lecteurs, gracieusement ou non, sans intermédiaire.ce phénomène est amplifier ces dernières années avec l'utilisation grandissante du financement participatif, ou crowdfunding.
Voilà cinq exemples de ces "AMAP littéraires" ou assimilés.
Adoptez un artiste de Francis Valery (De H.P Lovecraft à Tolkien)
Face au constat de la baisse de la rémunération des auteurs, et plus largement, la baisse de l'aide à la culture, Francis Valery propose un abonnement pour soutenir directement un artiste. En échange de cet engament, le lecteur reçoit des contenus inédits et/ou en avant-première du travail de l'artiste. Dans le cas de Francis Valery, l'abonnement permet, en fonction de la formule choisie, de recevoir mensuellement une newsletter numérique ou papier, des extraits musicaux, des textes de ses créations en cours. L'abonnement est de 3 euros par mois pour une version dématérialisée ou 5 euros pour une version objet (newsletter imprimée et cd).
La somme et la durée d'engagement sont libres pour les lecteurs. L'artiste, lui, s'engage à fournir mensuellement des éléments sur l'avancée de son travail. La proposition de Francis Valéry est à mi chemin entre du mécénat culturel et une forme de financement participatif. Pour connaitre tous les détails de ce projet, vous pouvez consulter cet article dans le Journal d'un homme de bois où il le présente en détail.
Les nouvelles par email de Leo Henry (Rouge Gueule de Bois)
Si vous vous abonnez à ses nouvelles par email, Leo Henry vous promet : " Pas de newsletter ni de viagra par correspondance. Juste des dosettes de fiction, de l'auteur au lecteur, sans intermédiaire." Tous est dit. Pas d'argent, pas d'obligation de part et d'autres, seulement le plaisir de recevoir mensuellement une nouvelle inédite dans sa boîte mail.
Depuis le 19 mai 2013, ce sont 26 nouvelles qui ont été ainsi été livrées par Leo Henry à ses abonnés numériques. Une manière pour l'auteur de rester en contacts avec ses lecteurs les plus assidus, tout en s'essayant à la rédaction à une nouvelle de format court qui ne trouverait sans doute preneur dans l'édition classique. Pour lire les nouvelles parues et s'abonner c'est par ici.
Les traductions de Lionel Davoust (La Volonté du dragon, Leviathan) des Short Short stories
Depuis 2002, l'auteur américain Bruce Holland Rogers envoie ses « short short stories » deux fois par mois par mails à ses abonnés (5 dollars par an). En janvier 2006, Lionel Davout a proposé de traduire deux textes par mois de Bruce Holland Rogers pour un abonnement de cinq euros par an.
Pour ce prix modique, les lecteurs ont alors accès à des textes inédits en français de Bruce Holland Rogers S'il y a dans cet exemple-là un coût à payer, il reste cependant minime pour les abonnées. Comme l'explique Lionel Davoust dans cette interview, c'est avant tout l'envie d'un auteur de faire découvrir un autre auteur – Bruce Holland Rogers. Et c'et l'occasion pour ce dernier d'avoir accès a un lectorat français qu'il ne pourrait pas toucher autrement.

Le projet Bradbury de Neil Jomunsi
De septembre 2013 à aout 2014, l’auteur Neil Jomunsi a décidé d'écrire et de publier 52 histoires en un an, soit une par semaine. Il s'appuyait pour cela sur une citation de Ray Bradbury : Écrivez des histoires courtes, une par semaine. […] Et je vous mets au défi d’en écrire 52 mauvaises. C’est impossible.”
Neil Jomunsi a lancé un abonnement à 40 euros pour l'intégralité du projet. Il publiait également sous format numérique les nouvelles écrites, avec une semaine de décalage pour laisser la primeur de la découverte aux abonnés.
Au bilan c'est bien 52 nouvelles écrites en 52 semaines, 109 lecteurs qui ont souscrit à l'abonnement et 716 nouvelles vendues en numériques. Ce marathon s'est accompagné d'un important suivi de l'auteur sur les réseaux sociaux (articles sur son blog, questions aux abonnés sur le fil twitter et même vote des abonnées pour décider du thème de la prochaine nouvelle) Un format hybride donc, entre abonnement directe et auto-édition numérique. Neil Jomunsi est un des fondateurs de la maison d'édition Walrus 100 % numériques. Ces nouvelles sont toujours disponibles à la vente en ligne. Le blog Page 42 où il dresse le bilan de son aventure.

Financement participatif de la couverture des Aigles du Mississipi de Corinne Guitteaud
Directrice des éditions Voye'l Corinne Guitteaud lance un crowdfunding pour financer l'illustration de couverture de son roman les Aigles du Mississippi. Ce roman uchronique est un projet personnel, et elle ne voulait pas faire porter à sa maison d'édition le coût en trésorerie de ce projet.
Avec cet exemple nous abordons le crowdfunding. Ce mode de financement permet ainsi de financer e un objet/un produit / un service – ici une illustration – directement par des contributeurs qui veulent acquérir le produit ou seulement soutenir le projet. Il faut alors convaincre la foule (crowd) des financeurs potentiels de soutenir le projet. Mais si l'exemple choisi ici est bien celui d'un auteur et de son lectorat en direct, le crowdfunding est un mode de financements qui est utilisé à tous les niveaux de la chaîne éditoriale puisque certains éditeurs y ont également recours.
Ce projet n'est qu'un des très (trop ?) nombreux exemples de crowfunding qui mériterait à lui seul un dossier complet.

Et pour quelques exemples de plus...
Le récent label Bad Wolf porté par Isabelle Bauthian (Pleine Lune, Ma vie d’adulte), Audrey Alwett (Triskell) et Christophe Arleston (Lanfeust de Troy, Les Feux d’Askell), propose une édition 100% fantasy et numérique pour vendre directement leurs ouvrages au format kindle et en impression à la demande.
Les trois fondateurs revendiquent cette filière courte basée sur l’édition numérique comme" beaucoup plus réactive" que l'édition traditionnelle et aussi plus ludique puisque des jeux littéraires sont disséminés au sein des ouvrage. Pour une savoir davantage sur le grand méchant loup, c'est par là.

La "filière courte" de la création littéraire : pour quoi, pour qui et au détriment de qui ?
Ce mode de diffusion des œuvres des "producteurs-auteurs" à leurs "consommateurs-lecteurs" ne semble pas poser problème tant que cet échange reste gratuit. En revanche, dés qu'il y a rémunération, les questions se posent : ce mode de financement direct est-il adapté à tous les projets ? Quels sont les engagements de l'auteur vis à des lecteurs ? Et l'inverse ? Et qu'en est-il du reste de la chaîne du livre – éditeurs, diffuseurs et libraires – qui sont exclus de cette relation directe ?
Ces questions sont aujourd'hui de plus en plus prégnantes, d'une part avec l'utilisation croissante du financement participatif à tous les niveaux de la chaîne du livre, et d'autre part, avec la baisse des revenues des auteurs qui cherchent à diversifier leurs sources de leurs revenues.
Outre la "légitimité" d'avoir recours à ce mode de financement qui est parfois pointé du doigt, il reste également à voir si cette "filière courte", est réellement un nouveau modèle économique émergent ou un simple effet de mode ponctuel.