A l'occasion de la sortie début mars de Glace, Christine Féret-Fleury revient sur l'écriture de ce nouveau roman paru aux éditions Scrineo.
Actusf : Glace, votre centième roman vient de paraître aux éditions Scrinéo, pouvez-vous nous en parler brièvement ? Comment est-il né ?
Christine Féret-Fleury : C’est un roman qui « mijotait » depuis longtemps ; j’en retrouve des traces sous forme de notes dans mes carnets depuis de nombreuses années. Mais je ne réussissais pas à me lancer dans ce projet, peut-être parce que je n’avais pas de vision claire de l’univers dans lequel je voulais ancrer cette histoire. Le déclic s’est produit grâce à Charlotte Bousquet, déjà mon éditrice pour « Memory » (Lynks), un autre roman post-apocalyptique. Elle m’a encouragée à me lancer sans filet… et parfois, plonger est la meilleure chose à faire quand on hésite.
Actusf : Cent romans ! Ce n’est pas rien. Cela représente-t-il quelque chose pour vous ?
Christine Féret-Fleury : Bien sûr, cela représente beaucoup pour moi. D’abord des années de travail passionnant et d’efforts continus : c’est donc une belle réalisation, même si je n’ai pas la moindre intention de cesser d’écrire ! Mais quand j’ai commencé, je n’étais même pas sûre de réussir à terminer un premier livre, alors cent… je ne l’imaginais même pas. Ceci dit, cela ne change rien : chaque roman est le premier, chaque roman porte les mêmes espoirs et les mêmes angoisses. Mais je suis heureuse, vraiment, et j’aurais envie de fêter ces cent livres dignement si c’était possible en ce moment !
Actusf : Pourquoi avez-vous choisi une réécriture du conte d’Andersen, La Reine des Neiges ? Qu’est-ce qui vous a inspiré dans cette histoire ? Trouviez-vous que ce conte avait besoin d’être dépoussiéré ?
Christine Féret-Fleury : La Reine des Neiges est l’un des contes qui m’ont le plus profondément marquée quand j’étais enfant. Je l’ai relu des centaines de fois, au point de le savoir presque par cœur ! Je ne crois pas que « dépoussiéré » soit le bon terme : comme les mythes, les contes véhiculent des vérités éternelles. Mais les adolescents d’Andersen vivaient de manière bien différente, dans un monde bien différent. Dans le conte d’Andersen, par exemple, Gerda cherchait Kay ; dans « Glace », Sanna, même si elle n’en est pas consciente, se cherche elle-même. Et se trouve.
Actusf : Vous décrivez un monde dystopique, assez proche du nôtre finalement. Quel lien peut-on y voir ? Quel message voulez-vous transmettre à vos lecteurs et quels sujets vouliez-vous aborder ?
Christine Féret-Fleury : J’ai commencé à écrire « Glace » bien avant le début de la pandémie que nous connaissons actuellement. Relisant les premiers chapitres, j’avoue avoir été glacée, sans jeu de mots, en m’apercevant que la menace était si proche. Qu’elle était là. J’ai peur qu’à force de délaisser le vivant pour des raisons purement économiques, nous foncions tout droit vers un avenir qui pourrait ressembler à ce que vivent mes personnages…
Je voulais avant tout écrire un roman initiatique – un voyage, une quête, une construction de soi. Peu à peu d’autres thèmes se sont greffés parce qu’ils m’ont semblé incontournables. Ce sont d’ailleurs moins des thèmes que des questions : qu’est-ce que l’amour, au fond, en dehors des représentations romantiques ? Comment pouvons-nous protéger cette terre et ceux que nous aimons ? Pourquoi, bien que nous les connaissions, sommes-nous incapables de démonter les mécanismes d’oppression et de domination qui font de certaines régions de ce monde un enfer ? D’où viennent notre aveuglement, notre égoïsme, et comment y remédier ? Je ne prétends pas apporter de réponse ; mais l’écriture m’aide à vivre ces questions, à en prendre une conscience plus large. Et j’espère seulement partager cette conscience avec celles et ceux qui liront ce roman.
Actusf : Pouvez-vous nous présenter votre héroïne Sanna ? Comment l’avez-vous créée ? Qu’incarne-t-elle ?
Christine Féret-Fleury : Sanna, comme elle le dit au début du roman, est une fille qu’on ne regarde pas deux fois, même si le jugement qu’elle porte sur sa propre personne est bien trop sévère. Elle ne possède pas de pouvoirs magiques ni de capacités exceptionnelles. Et elle ne va pas en acquérir au cours de l’action ! En revanche, ce qu’elle va développer, ce sont ses propres qualités, des qualités tout simplement humaines : l’empathie, l’endurance, le courage de dire « non », la loyauté. À la fin du livre, quand elle se regarde – pour la première fois depuis très longtemps – dans un miroir, elle conclut « que cette fille n’est pas de celles qu’on laisse de côté ». Et que ça n’a rien à voir avec la beauté, ou ce qu’on appelle beauté dans les magazines, bien sûr ! Pour moi, elle incarne toutes les femmes qui réussissent à trouver leur chemin par elles-mêmes en se libérant du regard et du jugement des autres.
Actusf : Vous écrivez pour différents publics (jeunesse, adulte, adolescent) et dans des genres différents. Avez-vous une préférence ? Est-ce difficile de passer d’un genre à un autre ?
Christine Féret-Fleury : Je n’ai pas de préférence : écrire pour la jeunesse, écrire pour les adultes, ce n’est parfois pas très différent. J’aurais pu écrire « Glace » pour les adultes… Et j’aime passer d’un genre à l’autre, comme je le fais en tant que lectrice. Pourquoi se priver ? C’est parfois difficile, oui, mais c’est stimulant. Et enrichissant.
Actusf : Avez-vous d’autres projets à venir ? Des envies pour la suite ?
Christine Féret-Fleury : J’ai deux romans en cours, un pour les adolescents, un pour les adultes, pour ne pas changer les bonnes habitudes… En mai sortira chez Slalom L’Étrange garçon qui vivait sous les toits, coécrit pendant le premier confinement avec Charlotte Bousquet et Fabien Fernandez. Un coup d’essai pour notre équipe à six mains, qui concocte déjà d’autres projets. Ce ne sont pas les envies qui manquent même si on ne peut pas toutes les dévoiler…