Comédien, auteur, poète et scénariste de BD (pour Pif Gadget), Michel Calonne semble avoir vécu en bonne harmonie avec ses passions et, si son nom n’est pas plus connu aujourd’hui, ce n’est pas faute d’avoir laissé derrière lui un unique et magnifique roman de science-fiction, à la fois post apocalyptique et prémonitoire (nonobstant la température ambiante du texte, qui baisse au lieu d’augmenter…) Hurleville est un de ces livres qui restent inexplicablement ignorés alors qu’il ne demande qu’à brûler à nouveau…
On se les gèle à Pantruche…
Le climat a changé et le refroidissement global de l’Europe a rendu Paris presque invivable. Un grand nombre de privilégiés ont cependant pu émigrer dans les pays du Sud et gagné cette Afrique où, dit-on, ils vivent confortablement au chaud tandis que Paname s’écroule peu à peu sous le poids de ses énormes congères. La température franchit parfois la barre des zéro degrés pour devenir positive, mais pas tous les ans et jamais plus de quelques heures… Face aux hordes de loups géants qui prospèrent dans les ruines du métro, les Parisiens ont-ils vraiment des chances de survie ? Le maire fait de son mieux, le commissaire Barclay s’efforce de sécuriser la capitale avec le peu de moyens dont il dispose et Vincent, un jeune et héroïque médecin, tente l’impossible afin de sauver les vies de ses concitoyens. Paris se meurt et ceux qui veulent préserver leur ville sont loin de constituer un groupe homogène. Il en est qui réclament des armes pour lutter contre les loups, mais les plus fauves ne sont pas toujours ceux qui en ont l’apparence et ces fusils risquent fort d’être détournés de leur usage autorisé…
Un roman indispensable !
Pour Hurleville, l’enjeu est de taille : transformer la ville afin de l’adapter aux mutations climatiques. L’auteur ne dit rien des causes de cette nouvelle ère polaire, mais qu’importe, pour ses Parisiens désemparés, seuls comptent les faits, et les solutions envisageables. Faudra-t-il se résoudre à accepter ces nouvelles conditions de vie et s’y adapter, ou prendre la fuite et maintenir une société que son mode de vie a rendue obsolète ? Avec une lucidité effrayante, Michel Calonne prend en compte la plus pernicieuse des influences : l’homme. Les Parisiens de Hurleville sont en même temps héroïques, dévoués, tendres, mais aussi veules, cyniques et désespérés. Ils ont cependant tous en commun un même amour pour leur ville. Au cours des quelques trois cent pages du roman, la prose remarquable de l’auteur nous immerge dans les décombres du Boulevard Richard Lenoir, les bâtiments insalubres de la rue de Rivoli, les wagons abandonnés de la gare de Lyon… Lecture indispensable en ce vingt-et-unième siècle désorienté, Hurleville anticipe à rebours une biographie de la capitale, encore à écrire, qui nous décrirait d’un Paris aux nuits tropicales et dont la Seine serait infestée de crocodiles échappés de la ménagerie du Jardin des Plantes… Impossible ? Patientez encore quelques années…