Ted Chiang est né en 1967. Auteur de Science-fiction, il réside près de Seattle et travaille dans l'industrie informatique. Incroyablement peu fécond, Il n'a écrit que quinze nouvelles entre 1990 et 2015, publiées dans des fanzines. En français, il a déjà publié un premier recueil La Tour de Babylone, initialement paru chez Denoël (2006). Chaque nouvelle est néanmoins une petite pépite à savourer, puisque l'auteur a remporté quatre fois les prix Nebula et Hugo, six fois le prix Locus en plus de celui de la British Science-Fiction, du prix Theodore-Sturgeon et le prix Astounding du meilleur écrivain. Bref, un beau palmarès. Ted Chiang a vu notamment sa nouvelle L'histoire de ta vie adaptée au cinéma par Denis Villeneuve sous le titre Premier Contact, ce qui lui a valu une reconnaissance internationale (et un très bon argument marketing pour faire lire cet auteur par ailleurs, j'en parle en connaissance de cause)
Un recueil d'initiation à la SF, mais pas seulement
On y trouve entre autre l'histoire d'un jeune marchand de Badgad rongé par les remords qui entreprend un voyage dans le temps grâce à une incroyable machine, celle d'un futur plus ou moins lointain où un chercheur en anatomie décide de disséquer les rouages de son propre cerveau pour en comprendre le fonctionnement ou encore celle d'un mathématicien du XIXème siècle qui décide de mettre au point une nounou automate censée éduquer les enfants, mais tout ceci ne se passe pas vraiment comme prévu…
Un ensemble équilibré qui nous fait voyager dans le temps et ailleurs
Le recueil de nouvelles est un format qui se prête bien à la SF et qui fonctionne d'ailleurs bien mieux qu'en littérature générale. Je dis toujours que c'est une bonne manière de s'immerger dans l'univers d'un auteur, et Ted Chiang a cette qualité de faire aborder des notions de hard sf aux néophytes dans un style qui lui est propre.
Si je devais choisir mon top 3 des nouvelles je citerai celle du Marchand et de la porte de l'alchimiste, car il narre une histoire de voyage dans le temps à la manière des contes de mille et une nuits, en abordant simplement des notions qui peuvent s'avérer complexes à l'aide récits enchâssés tout en nous retournant chaleureusement le cerveau.
Je citerai également La Vérité du fait et la vérité de l'émotion, qui met en lumière une technologie qui permettrait de faire des enregistrements vidéo de tous ses souvenirs. Il pointe les avantages, comme le fait de régler certains différends, mais également des inconvénients. Il apporte notamment une réflexion sur ce qui fait notre humanité.
J'ai également beaucoup apprécié la nouvelle L'Angoisse est le vestige de la liberté qui imagine la possibilité de se servir de prismes afin de voir des branches divergentes de notre univers, une personne a ainsi la possibilité de consulter une vie alternative face à un choix ou des événements dans sa vie. Le prisme a d'ailleurs une durée de vie limitée, ce qui fait de ce détail un point non négligeable dans son utilisation et ses répercutions dans la société et les usages que les personnes en font.
Si certaines nouvelles peuvent parfois dérouter leur conclusion abrupte ou par leur potentiel excès de développement comme celle du Cycle des objets logiciels où j'ai peiné à accrocher et ai eu du mal à voir où il voulait en venir, on peut toutefois avoir plus d'éclaircissements grâce à à ses notes à la fin du roman où il prend le temps de revenir sur celles-ci. C'est un exercice que j'apprécie toujours, car il permet de réfléchir après-coup et de nuancer son point de vue sur ces nouvelles qui nous auront parues plus hermétiques.
Ted Chiang est donc incontestablement un chouette écrivain de SF, lisez-le, et surtout faîtes-le lire aux gens qui vous sont chers et parlez-en, vous verrez alors naître des discussions fécondes sur la science-fiction et sur des notions de hard science.