- le  
Interview 2016 : Feldrik Rivat pour Le Chrysanthème Noir
Commenter

Interview 2016 : Feldrik Rivat pour Le Chrysanthème Noir

ActuSF : Bonjour Feldrik, et merci de vous prêter à nouveau au jeu des questions ActuSF ! Pour commencer pourriez-vous vous présenter un peu à nos lecteurs ?

Feldrik Rivat : Bonjour et merci à vous et à ActuSF pour cet échange ! Comment se présenter ?  Dire que je suis un boulimique, un curieux de tout, un hyperactif traversé par mille idées à la seconde ? C’est en deux mots ce qui me définit le mieux. Après avoir touché du doigt plusieurs professions (peinture naturaliste et archéologie préventive), j’ai fait le choix de ne retenir que celle qui me permettait au mieux de m’épanouir. Pas évident de trouver sa voie quand elle n’est pas toute tracée. Surtout dans le monde des arts. Mais depuis le départ, je ne me suis laissé qu’une seule porte de sortie : celle de parvenir à vivre de ma plume. Cette profession, complexe et protéiforme, me permet de me réaliser au quotidien, de me sentir homme, à ma place, en phase avec mon temps. C’est un travail qui ne souffre d’aucune relâche, mais quoi de plus beau que d’avoir pour métier de faire rêver son prochain ?

ActuSF : Vous êtes notamment l’auteur de la trilogie des Kerns de l’Oubli (dont nous avons adoré le premier tome). C’est une œuvre très dense. Quel a été le point de départ de cette trilogie et ses influences ?

Feldrik Rivat : Le point de départ a été la vision de cette cité, Almenarc’h. Un mont-Saint-Michel magnifié, planté en plein fjord, baigné par des chutes d’eau de mille mètres, superbe et imprenable. Une cité millénaire dont l’histoire est rattachée à un homme. Tout le jeu des Kerns de l’Oubli est de mêler et confondre l’histoire de cet homme, Erkan, à celle de sa cité. De s’enfoncer dans les racines du temps. De percer des secrets qui dépassent la mémoire de l’Homme. Je voulais dans ce projet faire connaître au lecteur cette sensation que l’on a en archéologie de toucher (pour en pas dire profaner) des mémoires anciennes, oubliées, cette sensation de franchir la barrière du temps et de faire revivre l’espace d’un instant des hommes et des lieux disparus voilà des milliers d’années.

Mes inspirations, tirées des mondes anciens pour l’essentiel (sans restriction de culture ou d’époque), font des Kerns de l’Oubli une épopée centrée sur l’Homme (il n’y a pas de bestiaire à la Tolkien). Mais un Homme qui franchit ces frontières qui séparent le monde des morts et des vivants, le visible de l’invisible, un Homme en capacité de lire la mémoire d’une pierre ou d’un lac, de transcender notre condition animale.

Si je devais citer le nom d’un auteur pour illustrer mes influences, je parlerais de Jodorowsky. À lui seul il représente un condensé de mes inspirations, mêlant technologie et spiritualité, évocations panreligieuses, ésotérisme, érudition, le tout dans un monde tout en contrastes. Sans concession.
 


 
ActuSF : Vous êtes archéologue, cela vous a-t-il aidé ou influencé pour composer l’univers des Kerns ?

Feldrik Rivat : Après des années d’écriture, je ne sais plus lequel de mes métiers à inspiré l’autre ! Pour moi, devenir archéologue était un rêve de gosse. Depuis ma plus petite enfance, mon regard se tourne tour à tour vers les extrêmes, passé, futur, archéologie, science-fiction. J’ai un besoin vital de me projeter. J’aimais tout dans l’archéologie, la minutie du travail de terrain, cette sensation de mener l’enquête, de pister le moindre indice permettant de pousser plus finement l’analyse, le côté abyssal du travail en bibliothèque, pour documenter les aspects contextuels d’un site archéologique, et le côté méthodique du travail en laboratoire, pour mener des études sur le matériel, le faire parler, lui donner sens.

Mais ce qui me manquait, c’est la liberté de digression. Car j’ai un autre besoin vital : celui de casser les frontières…

Si cette passion des mondes anciens fait partie de mon ADN, si je me sers de mes bagages universitaires au quotidien, pour Les Kerns de l’Oubli l’histoire est un peu différente : j’ai mené ce projet sur 12 ans de vie, allant de mes premières années de fac à mes premières années en tant qu’auteur, en passant par des années de pratique de l’archéologie de terrain. Cette saga est donc imbibée toute entière de l’archéologie et des fantasmes qui m’ont traversés tout au long de ce parcours atypique. Ce texte et son univers sont truffés de références aux mondes anciens, par ci un motif discret sur une armure, rappelant les peuples nomades d’Europe centrale, par là un palais de terre et de céramique rappelant l’antique cité d’Ur, chez les babyloniens.

L’ensemble dépayse et perd le lecteur dans un monde à la fois connu et inconnu…

ActuSF : Vous êtes également l’auteur de La 25ème Heure, un roman mêlant steampunk, fantastique et polar. Le second opus de ces aventures, Le Chrysanthème Noir, sortira d’ailleurs aux éditions de l’Homme sans Nom en septembre. Pouvez-vous nous présenter cet univers, radicalement différent de celui des Kerns ?

Feldrik Rivat : La 25e Heure et Le Chrysanthème Noir forment une histoire complète en deux volets. L’idée est de plonger le lecteur dans le Paris de la fin du XIXe, de partir de la réalité historique, pour aller vers une uchronie. Partir de la réalité pour aller vers l’imaginaire. En terme d’univers, c’est une genèse. Le lecteur ne se trouve pas dans un monde où les postulats « imaginaires » sont déjà en place, mais dans quelque chose de réaliste et de très documenté. La 25e Heure démarre même avec toute la lenteur d’une enquête menée avec les méthodes policières de l’époque, avant d’entraîner le lecteur dans une succession de tableaux à travers Paris, sans lui révéler le fin mot occulte de l’histoire. C’est vil de ma part, je le reconnais (sourire sadique), mais en même temps, l’enquête trouve un aboutissement et la fin est très cohérente : l’affaire policière est officiellement classée.

Mais je me rattrape ! Car le second opus, Le Chrysanthème Noir, va lui  révéler tout l’arrière-plan scientifique et ésotérique de cet univers, de manière méthodique, confrontant deux mondes : le monde officiel et historique d’un côté, et de l’autre l’émergence d’un futur qui redistribue toutes les cartes du jeu. Il est question de faire revenir les morts à la vie. Mais attention, je ne parle pas ici de zombies, de morts-vivants, ou de momies qui déambulent dans les rues de la capitale ! Je parle de périsprit, de fluide magnétique, de métempsychose : la fin du XIXe a ça de captivant que les plus grands noms de la science ont cherché à repousser les frontières du monde connus, et parmi ces mondes, le plus troublant de tous est bien celui de la mort…

ActuSF : Le Paris de la fin du XIXe siècle est vraiment fascinant. Le travail de documentation a-t-il été important pour ces deux romans ? Quelles ont été vos influences littéraires ou artistiques ?

Feldrik Rivat : Le cœur du projet est en effet de proposer au lecteur une vision très documentée de cette période. Dans l’idée, plus l’univers décrit est crédible et réaliste, plus le postulat imaginaire se trouve accepté comme faisant partie prenante de ce monde. Alors oui, pour ce qui est de la documentation, elle est vite devenue encyclopédique… C’est dans ces moments que l’on ne regrette pas d’avoir traîné des années durant sur les bancs de la fac ! Car en définitive, ce n’est là qu’un peu d’ordre et de méthode. Et beaucoup de plaisir ! Dont celui de faire découvrir ou redécouvrir au lecteur toutes les richesses de cette époque ! J’aime assez cette remarque de mon éditeur qui dit que cette fin de XIXe est plus steampunk que le steampunk. Il suffit en effet de se pencher sur les réalités technologiques de cette époque pour s’en convaincre, ce que je n’ai pas manqué de faire !

La question des influences est toujours une question difficile. En dédicace, je parle volontiers de Sherlock Holmes ou d’Adèle Blanc-Sec : mais soyons clairs, pour moi ce ne sont pas là des sources d’inspiration, mais juste des œuvres qui se trouvent être dans les mêmes ambiances. En réalité ces inspirations sont tellement multiples qu’elles en deviennent vite inconscientes ! Films, lectures et documentation forment un tissage complexe dont je tire des fils en fonction de mes propres besoins.

ActuSF : Les magnifiques couvertures de ces deux ouvrages sont signées Élian Black’Mor et Carine-M et reprennent à merveille les codes et motifs de l’époque. Comment se sont passées leurs créations ?
 

Feldrik Rivat : J’avoue ici que cette collaboration a été idéale. Élian a su non seulement capter mes besoins, mais il a en plus dépassé toutes mes attentes par ses propositions et la qualité de ses réalisations ! Le tout rehaussé par le graphisme virtuose de Carine : un pur bonheur ! Un pur bonheur car ce travail dépasse le seul besoin bassement commercial de proposer une belle couverture aux lecteurs, pour toucher ici à un véritable travail artistique. Je suis très heureux de cette collaboration ! La 25e Heure rappelle délicieusement les affiches de la Hammer, avec un côté pulp et fantastique, et Le Chrysanthème Noir… Cette Clémence Prud’hon est à croquer !

ActuSF : Avez-vous d’autres projets à venir, dans l’univers des Kerns ou celui du Paris de la Belle Époque ?

Feldrik Rivat : J’ai des projets pour les 25 ans à venir ! C’est affolant… Je ne sais pas comment je vais faire pour tous les mener ! Enfin, j’y travaille ! Le candidat suivant se nomme Paris-Capitale. Il se déroule 20 ans après Le Chrysanthème Noir. Ce n’est pas une suite. C’est un projet qui s’inscrit de plain-pied dans l’uchronie promise auparavant, du rétrofuturisme dans un Paris avec des gratte-ciels, des structures aériennes, et une société complètement modifiée par les technologies si particulières d’une compagnie hégémonique… J’ai hâte de m’y mettre ! J’ai hâte car je vais pouvoir casser de nouvelles frontières !

ActuSF : Où les lecteurs pourront-ils vous retrouver en dédicace ?

Feldrik Rivat : Tout l’automne, en région parisienne (principalement dans des Cultura et des centres commerciaux de la région), il y a aussi quelques salons avec la Comic Con en octobre, ou le salon du livre de Bruxelles, le salon du livre de Paris, et Trolls et Légendes pour début 2017. Toutes mes dates sont sur mon site Internet (kerns.fr, onglet salons et dédicaces).
 

ActuSF : Enfin, le mot de la fin, avez-vous un coup de cœur littéraire à partager avec nous pour cette rentrée littéraire 2016 ?

Feldrik Rivat : Aïe, deuxième question piège après celle des inspirations… Je réfléchis et je reviens. Plus sérieusement, sous l’impulsion de mon éditeur, je découvre le travail de Gaiman. Le coquin a une plume et un humour qui sous certains aspects me parlent bien ! Ce duo de nettoyeurs dans Neverwhere m’a fait rire comme je n’avais pas ri depuis bien longtemps devant un livre !

Et pour finir, je dirais que mon souhait pour les années à venir est de lire plus, écrire plus, tout en trouvant enfin la sagesse d’un rythme de croisière… Le métier d’écrivain est un métier passionnant, certes, mais le démarrage demande une de ces énergies !

Encore merci pour ces quelques mots échangés, et pour toute l’attention que vous portez à mon travail !
 

à lire aussi

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?