ActuSF : Bonjour. Les deux premiers tomes de votre série Malphas sortent en France en avril et juillet prochains aux éditions Alire. C’est un phénomène au Québec avec déjà plus de 100 000 exemplaires vendus. Quand et comment cette aventure a commencé ? Comment vous est venue l’idée ?
Patrick Senécal : J’ai pensé à cette histoire en 2005 environ. J’avais envie de faire une série, ce genre de défi me tentait. Et j’avais aussi envie de faire de l’humour, car ceux qui me connaissent personnellement savent que j’aime aussi beaucoup ce genre. Pour créer une série, je crois qu’il faut maîtriser un univers précis et comme j’enseignais à l’époque, je me suis dit que l’enseignement au cégep (école pour les 17-19 ans) serait un univers parfait pour moi. J’ai tout de suite pensé à mêler l’horreur et la comédie et avant de penser à l’histoire, je me suis mis à inventer des enseignants déjantés et totalement marginaux. Mais j’ai eu peur: j’étais en train de me faire un ‘nom’ comme auteur de romans noirs et on dirait que je manquais un peu de confiance en humour, alors j’ai tout mis ça de côté. En 2010, après LE VIDE et HELL.COM, qui ont connu d’énormes succès, j’ai eu envie d’aller explorer d’autres horizons, de me prouver que je n’étais pas en train de devenir un auteur prévisible. J’ai donc ressorti le projet de Malphas.

ActuSF : L’histoire prend pour cadre Malphas situé dans la petite ville de Saint-Trailouin. Qu’est ce que vous pouvez nous dire de cette commune ?
Patrick Senécal : Elle est évidemment inventée. Je ne nomme même pas la région, je dis seulement que c’est très loin. Je ne voulais pas viser une région précise pour ne pas heurter personne. En fait, la ville elle-même est divisée et structurée comme Drummondville, ma ville natale que je connais bien. Le Cégep Malphas est une copie conforme de celui de Drummondville. Mais j’ai placé le tout dans une ville fictive. C’est un patelin hors de la normalité, où personne n’est tout à fait normal, où tout est possible, qui échappe même au système politique « normal ». Tout cela n’a pas de sens, évidemment, mais l’humour permet tout cela.
ActuSF : Votre héros s’appelle Julien Sarkozy. Qui est-il et que vient-il faire dans cet étrange collège ? J’imagine qu’il n’a aucun lien de parenté avec un autre Sarkozy bien connu des Français ? ☺
Patrick Senécal : Non, aucun, heureusement pour lui. :) Je voulais que son nom soit une sorte de boulet à traîner, une malédiction, surtout pour un gars de gauche comme Julien. C’est un voyou intellectuel, un gars brillant et éduqué, mais irresponsable. Il se retrouve à Malphas parce qu’il a frappé un étudiant qui n’aimait pas Zola et ne peut plus travailler nulle part, sauf à Saint-Trailouin. C’est aussi un écrivain de roman policier frustré, et l’enquête qu’il va mener à Malphas va lui permettre de mettre un peu de sens dans sa vie, lui qui trouve que la sienne ne va nulle part. Même si c’est un courreur de jupons irresponsable au sale caractère, c’est un homme qui a des valeurs de gauche , qui croit à l’enseignement et qui méprise le nivellement par le bas.
ActuSF : Il n’y a pas que les lieux qui semblent bizarres. Pouvez-vous nous parler des étranges personnages que Julien va croiser – je pense à Rupert Archlax junior et Simon Gracq par exemple ?
Patrick Senécal : Il y en a plusieurs, on ne peut pas tous les nommer. Voyons voir... Archlax junior est le directeur pédagogique de l’école, il est très coincé, mais on sent qui’il cache des choses et qu’il est frustré à bien des niveaux. Zoé Zazz est une enseignante superficielle, mais pas idiote pour autant, verbomotrice, qui possède un rire impossible et qui, lorsqu’elle fume du pot ou du hash, peut voir dans l’avenir. Gracq, c’est mon préféré: un étudiant parano qui voit des complots partout, mais qui parle avec une syntaxe totalement dingue. Ce personnage n’était pas prévu au départ, il ne devait que faire quelques apparitions dans le premier tome. Mais je suis tombé en amour avec lui et il est devenu le partenaire de Sarkozy. Pour la première fois de ma vie d’auteur, je me suis dit: « je ne peux pas faire mourir ce personnage, c’est impossible ». Il est extrêmement attachant et intelligent à sa manière. Sans lui, Sarkozy n’aurait jamais pu mener son enquête à terme. Et il y a Rachel, évidemment, la sublime Rachel dont le sex appeal rend tout le monde fou de désir... mais elle est beaucoup plus qu’une potiche et jouera un rôle essentiel dans cette histoire.
ActuSF : On va suivre l’enquête de Julien au cours des quatre tomes de la série. Sans dévoiler l’intrigue, il se passe des choses plus qu’étranges à Malphas, à commencer par la mort étonnante d’étudiants, n’est-ce pas ?
Patrick Senécal : En fait, l’intrigue principale s’étend sur les quatre tomes: il y a un mystère dans ce cégep, en particulier dans la cave où personne n’a le droit d’aller. De quoi s’agite-t-il? Ensuite, chaque tome comporte aussi une intrigue fermée. Dans le tome 1, des étudiants disparaissent et sont retrouvés en morceaux dans leur casier scolaire. Le tome 2 parle d’un club de lecture qui a un effet étonnant sur les participants. Le tome 3 présente un étrange pouvoir permettant de tuer par la pensée et qui n’atteint que certaines personnes, sans qu’elles sachent pourquoi. Il n’y a pas d’intrigue fermée dans le tome 4, il se concentre uniquement sur la grande trame narrative qui se conclut. Et je vous jure que tout est expliqué et tout est clair: ça ne finit pas comme la série Lost! Dès le début du projet, je savais comment tout cela allait se terminer.

ActuSF : Quels sont vos projets en cours actuellement ?
Patrick Senécal : J’écris un roman, évidemment, dont le titre sera « Il y aura des morts » et qui sera un roman sur l’adrénaline, une chasse à l’homme, beaucoup d’action. Il y a des projets de films sur certains de mes romans, mais je n’y participe pas vraiment, je n’avais pas le temps. J’ai moi-même un projet ou deux différents que la littérature, mais je ne peux pas en parler tout de suite. Et je voyage assez souvent en Europe depuis que la maison d’édition Fleuve Noir a édité deux de mes romans: LE VIDE et HELL.COM
ActuSF : Vos lecteurs pourront-ils vous retrouver prochainement en dédicace en France ou en Belgique ?
Patrick Senécal : Certainement: je serai au Salon du Livre de Bruxelles et celui de Genève. J’ai très hâte de rencontrer mes lecteurs européens.