Actusf.com a 20 ans en 2020. Une excellente occasion de vous proposer de relire nos plus belles archives. Avec cette interview, on fait un retour vers le futur en 2002 avec une interview de l'excellente Joëlle Wintrebert pour Pollen...
Actusf : Comment est née l'idée de Pollen ?
Joëlle Wintrebert : Mmmm, c'est une idée ancienne, que j'avais d'abord pensé traiter en "juvénile" avant de m'apercevoir que je ne pourrais faire l'impasse de la sexualité entre frère et sœurs. Je ne me souviens plus de la genèse, mais le thème du double, de la fusion et de l'identité sexuelle est récurrent dans mes nouvelles et mes romans et l'image parentale y est assez souvent mise à mal. Cela m'intéressait de montrer une société où la famille nucléaire serait supprimée.
Actusf : Combien de temps de travail vous-a-t-il demandé ?
Joëlle Wintrebert : Difficile à dire. Comme je viens de l'expliquer, c'est une idée que je portais en moi depuis longtemps. J'ai commencé à écrire le roman en 98. J'en ai arrêté l'écriture (ce qui ne m'était encore jamais arrivé, j'ai toujours enchaîné mes romans les uns après les autres) pour attaquer Lentement s'empoisonnent (mon thriller paru chez Flammarion) : j'avais une date de remise, le roman était programmé, la dead line approchait dangereusement. Quand j'ai pu me remettre à l'écriture de Pollen, fin 99, j'étais en situation de blocage. En 2000, je me suis étourdie avec une foule d'activités qui m'éloignaient efficacement du roman, et je ne me suis débloquée qu'en mars 2001, à la faveur d'une résidence d'écrivain (qui est censée vous donner justement tous les moyens de sortir de vos blocages). Ce fut très efficace puisque je réussis à terminer le roman. Si l'on compte le temps réel d'écriture, il n'a sans doute pas dépassé quatre mois.
Actusf : Comment le présenteriez vous à quelqu'un qui ne l'aurait pas encore lu ?
Joëlle Wintrebert : Je viens justement de me livrer à cet exercice pour la liste SF Sud : " C'est une histoire de civilisation plutôt différente de la nôtre puisqu'on y a supprimé la famille nucléaire. La nouvelle cellule familiale est une fratrie de deux sœurs-un frère, qui sont des jumeaux "fabriqués" in vitro grâce au génie génétique. L'absence de tout père ou mère règle le problème de l'inceste et il y a donc des rapports sexuels à l'intérieur de ces triades. Pas de parité, évidemment, puisque la proportion garçons-filles est de 1/3, 2/3. D'autre part, les garçons sont écartés avec soin de tout poste décisionnel. Cette société inégalitaire a été voulue telle par ses fondatrices, bien décidées à éradiquer la violence. Mais bien sûr, la violence existe. En particulier sur un satellite en orbite, où on a relégué les guerriers chargés de défendre la planète. Là, ce sont les garçons qui dominent, et la famille est nucléaire : un père, une mère et deux fils. Le décor est posé (au moins une petite partie ! ;-)). Vous pouvez imaginer les conflits qui découlent de ces deux structures"...
Actusf : On y trouve comme souvent dans vos oeuvres, des héros à la sortie de l'adolescence. Cette âge de la vie semble vous intéresser particulièrement. Pour quelles raisons ?
Joëlle Wintrebert : Parce qu'on est encore dans l'œuf, avec quasiment toute sa vie devant soi. Tout est possible, aucun chemin ne semble fermé, aucun des petits arrangements qui facilitent les relations humaines n'est envisagé. C'est un âge où, le plus souvent, on n'a pas peur de sa mort, où on est entier, où on n'accepte aucun renoncement, même quand on va dans le mur. Voilà pourquoi j'ai une tendresse particulière pour les adolescents. Voilà pourquoi j'ai le désir de les mettre en scène. Ils correspondent à ma soif d'absolu. Quelque part, j'ai dû garder l'âme et le cœur d'Antigone ! ;-))
Joëlle Wintrebert : Mmmm, c'est une idée ancienne, que j'avais d'abord pensé traiter en "juvénile" avant de m'apercevoir que je ne pourrais faire l'impasse de la sexualité entre frère et sœurs. Je ne me souviens plus de la genèse, mais le thème du double, de la fusion et de l'identité sexuelle est récurrent dans mes nouvelles et mes romans et l'image parentale y est assez souvent mise à mal. Cela m'intéressait de montrer une société où la famille nucléaire serait supprimée.
Actusf : Combien de temps de travail vous-a-t-il demandé ?
Joëlle Wintrebert : Difficile à dire. Comme je viens de l'expliquer, c'est une idée que je portais en moi depuis longtemps. J'ai commencé à écrire le roman en 98. J'en ai arrêté l'écriture (ce qui ne m'était encore jamais arrivé, j'ai toujours enchaîné mes romans les uns après les autres) pour attaquer Lentement s'empoisonnent (mon thriller paru chez Flammarion) : j'avais une date de remise, le roman était programmé, la dead line approchait dangereusement. Quand j'ai pu me remettre à l'écriture de Pollen, fin 99, j'étais en situation de blocage. En 2000, je me suis étourdie avec une foule d'activités qui m'éloignaient efficacement du roman, et je ne me suis débloquée qu'en mars 2001, à la faveur d'une résidence d'écrivain (qui est censée vous donner justement tous les moyens de sortir de vos blocages). Ce fut très efficace puisque je réussis à terminer le roman. Si l'on compte le temps réel d'écriture, il n'a sans doute pas dépassé quatre mois.
Actusf : Comment le présenteriez vous à quelqu'un qui ne l'aurait pas encore lu ?
Joëlle Wintrebert : Je viens justement de me livrer à cet exercice pour la liste SF Sud : " C'est une histoire de civilisation plutôt différente de la nôtre puisqu'on y a supprimé la famille nucléaire. La nouvelle cellule familiale est une fratrie de deux sœurs-un frère, qui sont des jumeaux "fabriqués" in vitro grâce au génie génétique. L'absence de tout père ou mère règle le problème de l'inceste et il y a donc des rapports sexuels à l'intérieur de ces triades. Pas de parité, évidemment, puisque la proportion garçons-filles est de 1/3, 2/3. D'autre part, les garçons sont écartés avec soin de tout poste décisionnel. Cette société inégalitaire a été voulue telle par ses fondatrices, bien décidées à éradiquer la violence. Mais bien sûr, la violence existe. En particulier sur un satellite en orbite, où on a relégué les guerriers chargés de défendre la planète. Là, ce sont les garçons qui dominent, et la famille est nucléaire : un père, une mère et deux fils. Le décor est posé (au moins une petite partie ! ;-)). Vous pouvez imaginer les conflits qui découlent de ces deux structures"...
Actusf : On y trouve comme souvent dans vos oeuvres, des héros à la sortie de l'adolescence. Cette âge de la vie semble vous intéresser particulièrement. Pour quelles raisons ?
Joëlle Wintrebert : Parce qu'on est encore dans l'œuf, avec quasiment toute sa vie devant soi. Tout est possible, aucun chemin ne semble fermé, aucun des petits arrangements qui facilitent les relations humaines n'est envisagé. C'est un âge où, le plus souvent, on n'a pas peur de sa mort, où on est entier, où on n'accepte aucun renoncement, même quand on va dans le mur. Voilà pourquoi j'ai une tendresse particulière pour les adolescents. Voilà pourquoi j'ai le désir de les mettre en scène. Ils correspondent à ma soif d'absolu. Quelque part, j'ai dû garder l'âme et le cœur d'Antigone ! ;-))

Actusf : La quatrième de couverture présente Pollen comme votre grand retour à la science fiction. Sa densité et sa qualité en font un roman d'exception. Annonce-t-il une nouvelle étape pour vous ? Allez-vous faire plus de romans de science fiction dans cette veine ?
Joëlle Wintrebert : Je n'ai pas vraiment réfléchi à la question. Mais j'ai un autre projet de roman de SF beaucoup plus proche du space opera. Encore une idée que je porte en moi depuis longtemps et qui avait donné lieu à l'écriture d'un projet assez avancé de série télévisée. L'adaptation ne sera pas facile. C'est un peu trop riche pour s'inscrire dans un roman, mais c'est très excitant.
Actusf : La structure sociale de Pollen et de son satellite est particulièrement précise. Cela vous a-t-il demandé du temps à concevoir ?
Joëlle Wintrebert : Difficile à dire, vu l'étalement sur trois ans de l'écriture de ce roman. Je suppose que le sujet continuait à me travailler souterrainement même quand j'avais l'impression de l'avoir laissé de côté. Mais je n'ai pas passé un temps *conscient* à structurer cet univers. Il s'est surtout construit par association d'idées : celle-ci entraînant celle-là dont découlait telles ou telles conséquences. Il y a tout de même une construction rigoureuse : c'est la chronologie du développement de la colonie sur Pollen et sur le Bouclier, et celle des personnages.
Actusf : La fin semble assez ouverte. Avez-vous envie de raconter la suite et le ferez-vous ?
Joëlle Wintrebert : Mes romans ont la plupart du temps des fins très ouvertes. Ce qui déconcerte certains de mes lecteurs et leur donne effectivement envie de lire une suite. Il faut bien avouer que je ne suis jamais revenue sur un univers que j'avais créé dans un roman. Non que ce ne soit possible, mais il est tellement plus excitant d'inventer quelque chose de neuf, non ? :-D

Actusf : Peut-on qualifier votre roman d'histoire à message sur la différence et les problèmes de communication entre hommes et femmes ?
Joëlle Wintrebert : Aïe ! ;-) Je me méfie pas mal des histoires "à message". Reste qu'un auteur parle toujours de ce qui le travaille au plus profond, de ses révoltes et de ses joies, et je dois reconnaître que ces thèmes de la différence et des rapports entre sexes sont centraux dans mes romans.
Actusf : Qu'aimeriez-vous que les lecteurs retiennent de Pollen ? La belle histoire d'amour dans la triade ? La réflexion sous jacente ? La précision de l'univers ?
Joëlle Wintrebert : Tout ça, non ? ;-))
Actusf : Avez-vous déjà des réactions de lecteurs ?
Joëlle Wintrebert : Oui, j'en ai eu quelques-unes. Toutes positives, ouf ! (Mais les premiers lecteurs à m'avoir donné un avis sont évidemment ceux qui avaient le plus envie de me lire ! ;-) Ce qui me ravit, en l'occurrence, c'est que Pollen a l'air d'intéresser autant les amateurs de SF pure que les non-amateurs.
Actusf : Vous avez été anthologiste, journaliste, correctrice de roman, juré de prix littéraires, ces diverses expériences vous ont-elles apporté quelque chose dans votre écriture ?
Joëlle Wintrebert : Un écrivain fait entrer dans sa marmite tout ce qui passe à sa portée. Alors, oui, toutes ces expériences ont nourri mon travail. Le principal apport vient sans doute du travail sur les textes des autres, en tant qu'anthologiste ou rewriter.

Actusf : Vous avez écrit dans de nombreux genres, SF, jeunesse, romans historiques, scénarios, théâtre, Poésie... Le concevez-vous comme à chaque fois un travail différent pour l'écrivain que vous êtes ? Travaillez-vous de manière différente ? Est-ce facile de s'adapter à tous ces styles et de jongler avec eux ?
Joëlle Wintrebert : Aucune différence entre les romans, quels qu'ils soient. Et seule une différence dans la structure de l'écrit pour le théâtre ou la poésie. En revanche la création de scénarios pour la télévision ne demande pas du tout le même investissement. Sauf pour les dialogues, il n'y a aucun enjeu littéraire puisque le texte que l'on produit sera traduit en images et en sons. J'écrivais mes scénarios très vite, avec beaucoup de plaisir (et d'autant plus qu'on gagne bien mieux sa vie à la télé que dans le monde de l'édition :-), mais j'étais parfaitement consciente que je ne bâtirais pas une "œuvre" (désolée si cela paraît prétentieux) avec ce mode d'expression.
Actusf : Quels sont vos projets ?
Joëlle Wintrebert : J'ai décalé récemment l'écriture d'un roman fantastique contemporain pour attaquer un roman historique qui se passe au 8e siècle en Bohême. Ces deux-là vont sans doute s'enchaîner. A moins que l'envie me travaille trop de revenir à la SF ? ;-))) Cela dépendra sans doute aussi beaucoup de l'accueil de Pollen.