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Interview : Emmanuel Chastellière répond aux internautes sur Le Trône de Fer
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Interview : Emmanuel Chastellière répond aux internautes sur Le Trône de Fer

 
Question de Marc : Quelle a été votre réaction quand vous avez plongé dans Le Trône de fer ? Vous avez tout de suite vu que c'était un cycle différent ? 
Emmanuel Chastellière : Tout d’abord, bonjour à tous ! Ce qui m’a tout de suite frappé, c’est la maîtrise de l’auteur quant à la gestion de son intrigue, ses liens avec la fiction historique et une magie en retrait – du moins, au début. Logiquement, ça change des clones du Seigneur des Anneaux.  
 
 
Question d'Hamid : Bonjour. Pensez-vous que l'histoire du Trône de fer aura une fin a la hauteur des attentes des lecteurs ? GRRM nous a tellement habituer a des scénarios et intrigues incroyables que j'ai peur d'être déçu par la fin. Merci d'avance.
EC : C’est un peu ma principale crainte, que la fin ne soit pas à la hauteur, à la hauteur des attentes suscitées en tout cas. C’est le risque à courir quand une histoire s’étire autant dans le temps. Avec une saga qui mise autant sur ses intrigues et le délai de parution entre chaque tome désormais, inévitablement, ces conditions laissent aux lecteurs de quoi échafauder tout un tas d’hypothèses, quitte à ce qu’elles prennent le contre-pied de ce que l’auteur décidera finalement ! Ou bien sûr de prendre fait et cause pour un personnage dont le destin final les décevra.   
 
 
Question d'Olivier : La série ayant tant de succès et allant beaucoup plus vite, n'avez- vous pas peur que G. R. R. Martin ne subisse de pression de la part des responsables de HBO pour orienter l’écriture des prochains tomes vers une fin plus "commerciale" ? 
EC : Je pense que GRRM connaît bien l’univers de la télévision pour y avoir travaillé et que HBO a dû lui donner des garanties. On voit que la série a d’ailleurs tendance à s’éloigner de plus en plus des romans. J’imagine plus la série risquer de « spoiler » une bonne partie de la fin aux lecteurs des romans, malgré ses divergences.
Par ailleurs, la série marchant déjà très bien et étant célébrée notamment pour son ton (qui n’est donc pas très différent de celui des romans) sans concession, tenter une approche plus « commerciale » risquerait plutôt de faire fuir les gens, téléspectateurs comme lecteurs !
Du côté des romans, je pense que la pression doit plutôt venir justement des lecteurs, ou de ses éditeurs.   
 
 
Question de Félicien : Qu'est ce qui différencie GOT des autres romans de fantasy plus "classiques" ? 
EC : Ah, la fantasy peut prendre tellement de visages… Si l’on s’en tient à la fantasy dite épique, je dirai donc que Le Trône de Fer peut compter sur l’absence de certaines figures usées jusqu’à la corde (le grand méchant qui veut détruire l’univers, une quête globale pour sauver le monde, la place donnée à la magie, etc…), même si l’on remarquera que l’auteur a su habilement atténuer ce dernier élément au début pour lui donner progressivement de plus en plus d’importance. Mais aussi sur une gestion des intrigues qui n’hésite pas à frapper fort (je pense à la mort de certains personnages) et à déstabiliser le lecteur, surtout quand celui-ci est habitué à lire de la fantasy aux mécanismes répétitifs et où le sort des héros est rarement en jeu. 
 
 
Question d'Emilie : Qu'est-ce qui différencie George R.R.Martin des autres auteurs ? Vous avez préfacé Skin Trade, y'a-t-il une "patte" GRRM ? 
EC : Vous mentionnez Skin Trade et c’est vrai qu’il faut se souvenir que George R.R. Martin avait déjà une longue carrière derrière lui avant d’entamer Le Trône de Fer. Spontanément, deux choses me viennent à l’esprit quand je pense à la patte GRRM : sa capacité à vous donner toujours envie de passer au chapitre suivant et sa volonté de mettre en avant des personnages ni tout blancs ni tout noirs, et qui évoluent vraiment au fil des tomes.
Cependant, d’autres écrivains savent très bien le faire eux aussi. N’oublions pas que Martin profite, et c’est tout à fait normal, de la caisse de résonance de Game of Thrones. 
 
 
 
 
Question de Claire : Quel est votre avis sur la série TV par rapport aux livres ? 
EC : Par rapport à la majorité des séries de fantasy qu’on a pu connaître, difficile de ne pas se réjouir d’une production aussi soignée, déjà ! De même, je suis plutôt admiratif devant le travail d’adaptation réalisé par David Benioff et D.B. Weiss.
Maintenant, qui dit adaptation, dit différences avec le matériau d’origine, sous peine de figer son récit sous le poids du texte. J’ai l’impression que cette quatrième saison correspond vraiment à un tournant sur ce plan et les suivantes vont certainement assumer de plus en plus leur propre identité.
Personnellement, je ne suis pas un puriste – même pour Le Seigneur des Anneaux à l’époque –alors les changements ne m’ont pas vraiment dérangés pour le moment. Autrement dit, rien ne m’a hérissé les cheveux ! Et ayant été un peu déçu malgré tout par les tomes 4 et 5 – je parle des tomes VO -, j’espère même que la série saura, et ça en prend le chemin, sauter l’obstacle et gérer leurs « temps morts». 
En tant qu’objet télévisuel pur, je lui trouve parfois quelques facilités (je pense aux scènes avec Brienne et Pod dans le dernier épisode en date) et une tendance à répéter un peu trop certaines informations déjà connues, mais l’un dans l’autre, j’imagine que George R.R. a de quoi être amplement satisfait.   
 
Question de Tom : Quelles couvertures préférez-vous ? Celles de Marc Simonetti ou les nouvelles ? (Attention, question piège ! ^^) Par ailleurs, Elbakin.net est un site excellent pour les amoureux de Fantasy, je conseille à tous d'y faire un tour ! 
EC : J’ai un attachement particulier pour les illustrations de Marc Simonetti, qui d’après Martin lui-même est celui qui a su le mieux représenter le Trône de Fer qui hante son esprit. Et merci beaucoup pour Elbakin.net ! On essaie de faire ce qu’on peut jour après jour.  
 
 
Question de Maïté : Bonjour, que pensez-vous des traductions successives de J. Sola pour les 12 premiers tomes et de P. Marcel qui a pris la suite? Le style de J. Sola étant archaïsant et celui de P. Marcel plus proche de GRRM. Personnellement le style de J. Sola m'a étonné au début et finalement je m'y suis faite en raison de l'époque médiévale dans laquelle s'inscrit le roman. Merci ! 
EC : Ah, Jean Sola et ses poternes… Blague à part, Jean Sola a dû composer avec un début de cycle, ce qui est toujours une étape particulière. Par exemple, arrivé au tome 3 d’une saga en cours, on se dit de temps en temps qu’on aurait bien traduit tel terme différemment, mais il est alors trop tard pour revenir en arrière.
Toutefois, le travail de Patrick Marcel est effectivement plus proche du ton originel des romans, ce qui en toute logique la place au-dessus pour moi. Vous avez raison pour le contexte médiéval, mais puisque l’auteur n’a pas vraiment opté pour son registre du point de vue style, j’aime autant qu’on reste au plus près de ses intentions.
 
 
Question de Mélanie : D'ailleurs est-ce qu'un ouvrage comme Le Trône de Fer est facile à traduire ? 
EC : Pour avoir lu d’abord en anglais les tomes 4 et 5, je pense que Le Trône de Fer n’est pas particulièrement complexe à traduire. L’auteur possède un style dynamique et direct. Le plus problématique, comme souvent, concerne certainement la traduction de noms propres ou de lieux. Je crois me souvenir d’ailleurs que Jean Sola aurait voulu en modifier certains. C’est souvent un vrai dilemme pour le traducteur !    
 
 
Question de Clément : George RR Martin a avoué s'être inspiré du cycle de Tad Williams - L'arcane des épées. Quels sont les similitudes et différences qui pourraient être faits entre ces 2 cycles ? Le Trône de fer pourrait-il être rapproché d’autres romans/sagas ? 
EC : Si l’on met de côté l’apparition d’une certaine comète, je dirai surtout que les deux cycles peuvent se ressembler par leur ton, plus sérieux et mature que pas mal de cycles dans ce registre. Les personnages évoluent aussi beaucoup dans les deux cas et les moments véritablement heureux restent rares. 
Quant au Trône de Fer, Martin n’a jamais caché son admiration pour Les Rois Maudits de Maurice Druon par exemple. Un classique toujours efficace.
 
 
Question de Clément : En tant que traducteur, comment abordez-vous une traduction ? Vous arrive-t-il de prendre contact avec l’auteur pour avoir des informations complémentaires sur le style à utiliser…? 
EC : Je l’aborde avec le plus grand sérieux, évidemment ! Dans l’idéal, je commence par lire le roman en entier pour avoir toute l’histoire en tête avant de me mettre à travailler (certains passages parfois obscurs s’éclairant par la suite une fois arrivé à la dernière page), en essayant bien sûr de respecter la plume de l’auteur. 
Le plus souvent maintenant, surtout avec internet, Twitter, etc, je suis effectivement en contact avec les auteurs que j’ai le plaisir de traduire. Je les interroge plus sur le sens à donner à certains termes ou sur l’avenir de certains personnages que sur le style. 
 
Question de Juliette : Y a-t-il d'autres livres de GRRM que vous conseilleriez aux amateurs du Trône de Fer ? 
EC : Dans la même veine ? Ça me paraît difficile, du coup. Mais dans sa bibliographie, je recommande tout particulièrement Armageddon Rag – qui vient de sortir en poche en plus – ou Riverdream.
 
 
Question de Sébastien : Quel est votre personnage préféré ? 
EC : J’ai un faible pour Inigo… pardon, Oberyn Martell, pour cette saison.
À l’échelle de la saga tout entière et donc des romans, j’hésite entre Jaime et Tyrion. Je sais, ce ne sont pas des choix très originaux, mais je ne pense pas être le seul à les apprécier ! Le premier parce que c’est sans doute l’un des personnages que l’auteur a su mettre le plus en valeur en modifiant peu à peu l’éclairage donné et le second car il reste l’un des plus attachants de tous.  
Je suis également curieux de savoir ce qui attend Sansa et Arya Stark, mais là, sans penchant particulier, simplement car je me demande bien ce que Martin a pu prévoir. 

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